LE VIEIL ARBRE EST TOMBE.
Dans le petit bois, non loin de la cascade, le vieil arbre est tombé.
Il se sentait las depuis quelques temps. Mais il avait, des décennies durant, plusieurs fois renouvelées, étendu ses racines nourricières bien au delà, en prévision de cet événement.
Son tronc ridé s'était peu à peu affaissé ; ses branches mille fois meurtries s'étaient creusées, formant des cavités de diverses tailles, qui servaient d'abri à un tout petit peuple chamarré, fait de poils, de plumes, et de carapaces. Tous lui en savaient gré et lui rendaient à leur tour de menus services, l'aidant à se débarrasser des parasites, transmettant des informations à ses frères, pour assurer la cohésion de la communauté du petit bois.
Avec l'eau du torrent, il avait cependant aidé de nombreuses jeunes pousses à prospérer, faites du même bois que lui, et pour toujours reconnaissantes. Elles avaient tout aussi humblement accepté par anticipation, de pousser vers la lumière leurs tiges encore frêles, quand l'heure serait venue.
Mais le vieil arbre ne parvenait plus à faire monter la sève précieuse jusque dans la couronne feuillue qui le reliait au soleil.
Alors il était tombé. Presque sans bruit.
La terre, tendrement, religieusement l'accueillit, tandis que toute la communauté du petit bois se rassemblait autour de lui en silence.
Chacun vint sur son tronc allongé poser qui, sa patte, son bec, déposer une plume, une feuille, un caillou ramassé dans le lit du torrent sous la cascade. En témoignage de son attachement et pour lui promettre de continuer son œuvre : celle d'une nature belle, souriante et solidaire.