Un bien long voyage
Long, très long voyage, très loin, trop près des immensités les plus irréelles.
J’ai fait ce bien long voyage.
Je l’ai fait, un jour, une éternité, et j’ai tremblé.
Odeurs lourdes, enivrantes, entêtantes. Peut-être du patchouli, je crois bien avoir oublié.
Je me souviens pourtant, pas d’apaisement, pas de consolation, plus question de me blottir dans des bras rassurants. Je n’ai jamais aimé de toute façon le contact.
Ne surtout pas me toucher. Éviter de me brusquer. Juste avancer dans des contrées brumeuses, le long des sentiers inconnus, invisibles.
J’ai fait ce voyage et j’ai tremblé. Égarée.
Imagination, salie, prête à fondre pour m’enfermer.
Brisure.
Brisure.
Brisure dans laquelle je pensais bâtir d’immenses châteaux. J’y rencontrais le vide, juste le vide. Pas de visage. Nul besoin d’être regardée. Surtout pas ! Ne pas me voir. Il ne le fallait pas. J’ai fait ce voyage et j’ai tremblé. Disparue.
Aspiration, celle de me recroqueviller dans un coin de non devenir. Je le croyais si fort que le château était devenu ma prison, ma métamorphose en un être différent de moi-même. Ou peut-être était-ce réellement moi ? Peu importe, je ne me reconnaissais plus. J’ai fait ce long voyage et j’ai tremblé. Inconnue.
Je me dématérialisais. Jusqu’au moment ultime. Devenue fantôme, j’ai erré. J’ai hanté mon esprit. J’ai finalement ouvert cette porte derrière laquelle il n’y avait rien, qu’une sinistre peur, livide. J’ai cessé d’exister. J’ai fait ce long voyage et j’ai tremblé. Pâle.
Alors, j’ai tendu les mains.
Pas pour implorer.
Juste pour croire que j’existais encore.
Exister encore.
Plus de destination à atteindre, arrêter ce long voyage, ne plus trembler.
J’ai entendu la musique. J’ai cassé l’insupportable silence qui hurlait la fin. J’ai brisé ce château. La brume se dissipait. Elle n’était plus mon refuge. Elle ne l’avait jamais été. Depuis, je ne cesse de marcher. Je me sens fatiguée. Tellement difficile.
J’ai fait ce bien long voyage et j’ai tremblé.
Aujourd’hui, c’est comme si j’avais rêvé.