Sourire du matin.

Une fille, seule, à un bar. Elle est en terrasse, à l’une de ces tables de ce faux osier qui ne grince qu’à peine. La fille est donc seule parmi les autres clients aux autres tables de la terrasse du bar.

Elle ne regarde personne, elle ne regarde nulle part. Juste sa tasse de café. Elle n’aime pas le boire chaud. Elle le préfère tiède, presque froid mais pas tout à fait non plus. Entre tiède et froid, c’est parfait. Elle ne met pas de sucre, elle a donc laissé les deux cubes blancs et granuleux que le serveur a mis dans la soucoupe. Pas très souriant, d’ailleurs, ce serveur. Elle aime boire son petit noir du matin servi avec un sourire. Cela fait toujours plaisir.

Derrière elle, sur une chaise de ce faux osier, le même que celui des tables, qui ne grince qu’à peine, dos à cette autre chaise où est la fille, un homme se fait servir un café par ce même serveur. Pas très souriant ce serveur, songe-t-il. Et puis il hausse les épaules et met un carré de sucre dans son café fumant. Il aime ajouter un sucre immédiatement dans son café, sinon, le sucre ne fond pas pareil, c’est plus lent et alors il ne peut pas boire le liquide tout de suite, alors qu’il est bouillant. Si le café n’est pas chaud, ce n’est pas la peine de le boire, selon lui.

Il suit le serveur des yeux. Ce dernier a l’air décidé à ne donner que ce qu’il a sur son plateau et rien d’autre. Les expressions faciales ne sont sans doute pas son fort, à moins qu’il ne soit de mauvaise humeur. Toujours est-il, ce n’est pas très commerçant, se dit l’homme sirotant son café.

C’est bon, le café de la femme est à la bonne température. Elle porte la tasse à ses lèvres et, hop, fini ! Elle doit aller travailler maintenant. Elle pose l’argent du café dans la soucoupe, à côté du sucre. Pas de pourboire. Le serveur n’avait qu’à être plus souriant.

L’homme, lui aussi, paye l’addition. Il hésite quant au pourboire et puis met tout de même son fond de poche – un euro et dix centimes, ce n’est pas grand-chose, mais c’est tout ce qu’il a avec lui. Ca ne doit pas être un métier des plus plaisant, après tout.

« Clang »

Les deux se lèvent, manquant d’emboutir l’autre. Essayent de partir par le même côté, se bloquent mutuellement le passage. Ils s’observent, rigolent un peu. Partent chacun de leur côté pour vaquer à leurs occupations habituelles, sourire aux lèvres.

Premier sourire de la journée. En arrivant au travail, ils en rient encore.