Je me rappelle le soir du 11 Janvier 1982. J’étais seule. J’en profitais pour finir d’écrire un livre, je ne prêtais pas attention à ce qu’il se passait autour de moi. J’étais loin d’imaginer que quelque chose d’étrange allait m’arriver dans quelques instants. Je m’étais levé pour préparer un café dans la cuisine. Ceci fait, je m’étais remis à mon ouvrage, mais je fus vite interrompu par ce que je vis. Au premier abord, je pensais m’être trompé de livre, j’en pris donc un autre, puis un autre encore. Même résultat : tous les livres avaient été écrits. Pendant quelques secondes je crus rêver. Je me pinçai, partis me regarder dans un miroir. Mais rien à faire, j’étais bel et bien tout seul dans ma chambre !
Je commençais à paniquer, à me dire que j’étais fou, mais la suite allait me prouver le contraire. Je m’attablai à mon bureau quand soudain la lumière se mit à vaciller puis s’éteignit. Je ne m’inquiétais pas pour autant car dehors l’orage grondait et cela me paraissait normal qu’il y ait quelques baisses de tension. Mais là encore, la suite allait vite me prouver qu’il ne s’agissait pas de ce genre de phénomène mais d’un événement bien plus étrange encore.
Alors qu’il faisait totalement noir, une lumière bleue vint illuminer la pièce. J’étais effrayé, je me mis à hurler si fort que mon voisin frappa à la porte quelques secondes plus tard :
- Eh ! Mais que se passe-t-il ici ?
- Je pensais qu’il y avait une baisse de tension due à l’orage, mais quelque chose d’étrange s’est passé.
La lumière s’est éteinte définitivement et là, devant mon lit, j’ai vu, j’ai vu…
- Mais qu’est-ce que vous avez vu ?
- J’ai vu une femme, enfin une masse toute bleue et lumineuse !
Mon voisin fut très étonné à l’écoute de mes dires, et me regarda avec un sourire en coin.
- Mais mon pauvre ami, vous avez dû rêver ou bien vous êtes saoul !
Soudain un autre éclair fit apparaître l’étrange masse bleue. Mon voisin fut aussi effrayé que je l’avais été auparavant.
- Oh ! Mon Dieu ! Au secours, au secours, l’aide ! Je suis fou !
Et la forme bleue prit soudain l’apparence d’une femme, une femme qui me ressemblait comme deux gouttes d’eau. Mais ce n’est pas
tout, l’étrange se mit à parler :
- Non, ici personne n’a de problème. J’existe, j’existe bel et bien. Je suis ton âme : je suis celle qui fait tout ce que tu n’a pas réussi à
faire jusqu’à présent !
Je regardais fixement l’étrangère, je ne comprenais pas qui était cette personne.
- Je te connais, je te connais sur le bout des doigts !
Ma peur se transforma en incompréhension puis en rage. Mon regard se fit plus dur, cette histoire de n’amusait plus du tout.
J’étais hors de moi, je me dirigeais vers la cuisine puis me saisis d’un couteau et retournais dans la salle à manger, le couteau brandi vers la femme. Elle me regardait intensément sans jamais baisser les yeux. Petit à petit je m’approchais d’elle. À présent j’étais à deux centimètres. D’un geste violent elle me fit baisser mon arme.
- Ne me tue pas, si je disparais, plus jamais tu ne seras protégé, plus jamais tu n’atteindras tes rêves !
- Mais laissez-moi tranquille, laissez-moi je vous dis ! Vous n’êtes rien pour moi, je ne sais rien de vous ! D’où venez-vous, qui êtes-vous ?
- C’est simple, je suis ton âme, je te l’ai dit. Mon nom je le garde pour moi, je viens du fin fond de ton cœur !
Fatigué de mes menaces et voyant que la jeune fille ne me voulait pas de mal je baissais mon arme. Tellement ému devant cette étrangère, devant cette fille, je m’effondrai en larmes.
Je pleurais toujours et encore. Je pleurais tellement que je finis par en être épuisé. Dans la pénombre mon cœur chancelait.
Doucement d’abord, puis de plus en plus fort, tant et si bien que je finis par tomber à terre.
Mon âme me rattrapa avant que j’eusses touché terre. Elle m’emmena dans mon lit.
Plus jamais je ne la revis.
Le matin en me levant, je ne me souvins de rien, uniquement de ces pages que mon âme avait remplies. Je me dirigeai vers mes livres, j’en ouvris un, il était vierge, vide de tout mot, vide de toute encre ! J’en ouvris un autre puis un autre encore, je trouvais page blanche. Puis j’en pris un dernier et là, une petite carte en tomba.
Je la ramassai, là, il y avait un petit mot écrit à la hâte !
Rennes, le 11 janvier 1982.
Enfin, aujourd’hui j’ai fait la connaissance du cœur de celui chez qui j’habite et j’en suis heureuse, car ses rêves sont beaux et simples. J’espère qu’il me gardera en lui encore très longtemps.
Voilà, comment ce 11 janvier 1982, pour la première fois j’ai fait la connaissance de mon âme. Cette dame que je pensais venue d’ailleurs est en fait au fond de mon cœur et j’espère qu’elle y vivra encore très longtemps.