Louise plume de Colibri
Nombre de messages : 14 Age : 34 Localisation : Caen Date d'inscription : 21/01/2008
| Sujet: Septembre au ralenti Lun 21 Jan - 23:22 | |
| La porte se referme, la lumière de l'entrée est allumée, s'ouvrant en un gouffre sombre vers le reste de l'appartement. Le silence. Et la première pensée est celle de se planter devant le miroir, de se plonger dans son propre regard. Je me détaille, ferme les yeux un instant pour me souvenir.
J'aurais voulu que quelque chose soit différent. Je ne sais pas vraiment quoi. Oui, ce sont des choses que l'on aimerait voir sur la peau.
Septembre a trainé. Septembre s'est regardé passer avec délectation, semblant vouloir appuyer sur le moindre moment. Même les journées à fuir mes pensées en contraignant mon cerveau et mon corps à se gaver de sommeil ont pris des allures d'éternité. Septembre a martelé chaque minute, chaque heure, chaque jour. Avec une insolence non feinte, celle d'avoir décidé d'être un moi plus long que les autres, celle de m'avoir contrainte à regarder mes pensées en face.
Alors ça y est. Je sais. J'ai la preuve. Ce soir, dans l'entrée, je me tais. Je me regarde. J'ai la vague impression d'avoir laché prise, quelque part entre la fin d'après-midi et maintenant, l'impression d'avoir été dépossédée pour quelques heures de mon corps, de moi-même, de tout ce qui rendait les choses impossibles jusqu'à maintenant. Et Septembre qui avait paru si long s'est soudainement rétréci. Septembre n'est plus que cette journée. Septembre n'est plus que cette impression, plus que le souvenir étrangement lointain des heures qui précèdent.
Comme si ça n'avait pas été moi. Comme si ça n'avait été qu'un de ces rêves dans lequel on reste spectateur.
Ca y est. J'ai la preuve que l'on peut aimer ce corps. Ce corps d'éxcés qui porte la marque indélébile de douleurs invisibles. Les craquelures. Je me plais à penser parfois que quelque chose n'a cessé de grandir en moi, prenant peu à peu toute la place. Quelque chose que rien ne pouvait arréter, et qui avait un jour fini par être bien à l'étroit à l'interieur de moi, quelque chose que la peau, même élastique, n'avait plus réussi à contenir. Et qui avait tenté de sortir, de s'arracher de cette chair incompréhensible, avec une telle violence qu'elle en avait gardé les marques. Une sorte d'évasion à coups de couteaux donnés de l'interieur.
Pour ce qui est de savoir si cette chose a finalement réussi à s'échapper, je n'en ai pas la moindre idée.
Mais ce que je sais c'est qu'après ce soir j'aurais voulu d'autres marques. Des marques d'une autre sorte. Pour me souvenir de ces mains. Pour pouvoir retrouver chaque centimètre carré de peau qu'elles ont effloeurées. Ce sont des choses que l'on aimerait voir sur la peau. Des traces pour stopper le temps, pour garder à jamais le souvenir. Des traces de ma nuque à mon ventre, pour être sure, pour emprisonner les gestes, pour emprisonner le moment.
Parce que ça m'a étonné d'un seul coup. Ca m'a surprise que la peau puisse retenir à sa surface les marques de la souffrance et pas celles de la douceur. Et qu'on ne garde que quelques miettes d'images et de sensations, que quelques impressions volées à l'instant. L'instant déjà lointain, déjà envolé comme la fumée d'une cigarette se disperce dans l'air.
Celui dans lequel je me suis laissée happer toute entière, riant au nez de la panique qui avait cherché à me paralyser. Comme si ça n'avait pas été moi. Et j'y pensais lorsque nous étions séparés du reste du monde par la nuit et les vitres de la voiture, avec un léger sourire. Ca ne faisait que rendre les choses plus fortes encore. J'étais là, entre ses bras, abandonnée à l'instant, oubliant que mes yeux fermés ne pouvaient pas empécher le monde de continuer à tourner et le temps de s'écouler.
Je suis plantée devant le miroir et Septembre s'est evanoui. | |
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