Le comble pour un comédien ou un danseur n'est-il pas davoir peur de son public ? Bien sûr me direz-vous. Maintenant si je vous dis que moi je me sers de cette peur pour avancer, vous ne me croirez pas ? Eh bien chers amis, vous avez tort. Mais plutôt que des mots, voici des images écrites, certes, mais des images concrètes.
Deux jours avant le spectacle théâtral de fin d'année de mes amis, une des comédiennes est tombée malade : rhume, une fièvre de cheval , mais surtout, surtout une extinction de voix. Impossible de se produire sur scène, impossibilité d'annuler la représentation, tout était prévu depuis plus de six mois. Le professeur a paniqué. Qui pourrait apprendre une dizaine de pages sans répétition et sans repère scènique deux jours avant la représentation ?
Je n'ai pas appris ce problème tout de suite, mais la veille au soir du spectacle, ne supportant pas de lire la tristesse sur les visages de mes amis, je me suis proposée de les aider. Je n' y absolument connaissais rien du monde du spectacle, mais après tout qui ne tente rien n'a rien. Je suis allée voir le professeur afin de lui proposer mon aide.
Dans un premier temps, elle refusa mon aide, je ne peux pas lui en vouloir, après tout, elle et moi, on ne se connaissaient pas. Elle prit tout de même le temps de réfléchir, puis quelques minutes plus tard, elle me rappela :
- C'est d'accord, j'accepte ta proposition.
J'étais heureuse et fière d'être enfin utile à quelqu'un. Elle me tendit le texte. Je commençais à le lire et la je restais sans voix, le manuscrit était un écrit de Molière, je détestais Molière, je n'avais jamais rien compris un de ces textes. Par politesse, je ne dis rien, après tout c'était moi qui m'étais proposée, impossible de revenir en arrière.
Effrayée, je rentrais chez moi, il ne me restait qu'une chose à faire :
apprendre, apprendre et encore apprendre cette maudite scène. Le soir j'étais tellement effrayée par ce qui m'attendait le lendemain que je ne mangeai pas. Je me suis couchée tard le soir. Fatiguée et énervée de ne pas connaître une page de mon texte, je ne dormis pas. Le matin, la tête dans le brouillard, il fallait absolument que je me remettele nez dans mon texte, je n'avais plus le choix, il ne restait que quelques heures avant le spectacle, il fallait que je sache absolument ce texte. Calmement, j'essayais de trouver une solution. Tout à coup, une idée me vint à l'esprit : je me mis à écrire chaque phrase du texte, je me la répétais bien lentememnt dans la tête. Je réussis enfin à venir à bout de cette maudite scène.
Ca y est l'heure du spectacle était arrivée, mes peurs, elles ne s'étaient pas dissipées.
En arrivant au point de rendez-vous, mes craintes redoublèrent : aucun des comédiens n'étaient arrivé. Cet incident me mit encore plus mal à l'aise que je ne l'étais déjà. Tout se mélangea dans ma tête : si je m'étais trompée de jour, d'heure et d'endroit. Pire encore et si cette scène n'était qu'un horrible cauchemar.
Je décidai d'attendre encore quelques secondes, sans y croire vraiment. Tout à coup, je fus rassurée, au loin je vis arriver deux des amis comédiens, dont mon partenaire d'un soir.
Nous décidâmes quand même d'attendre le reste de la troupe qui ne se fit pas attendre longtemps.
Une fois tous réunis, nous nous rendions tous dans les coulisses. A cet instant, l'ambiance changea défintivement, chacun des comédiens se mit à son poste. Quant à moi je restais seule, dans cet endroit qui me semblait soudain si hostile.
Après de longues minutes d'attente, le professeur nous réunit tous, une dernière fois pour d'ultimes recommandations. A ce moment-là, mon sang ne fit qu'un tour, une nouvelle vint conforter mes peurs. Ce soir et pour la première fois, nous devions jouer devant des personnes importantes. De plus cette soirée n'était pas une simple représentation dans un simple théâtre. Ce soir il s'agissait d'un dîner spectacle. Cette information résonnait dans ma tête comme un coup de canon. Cela voulait dire que le public ne serait pas forcément attentif à notre spectacle mais par ce qui se passerait dans leurs assiettes. Cela voulait dire aussi que de notre côté nous n'avions pas le droit à une minute de déconcentration.
A la fin de cette réunion, je demandai à être seule pendant les dernières minutes qu'il me restait.
Je me dis donc à l'écart du groupe pour cacher mes angoisses. J'étais tellement stresser que les larmes se mirent à couler.
Ne me voyant plus arriver, le professeur se mit à me cherhcer. Au bout de quelques minutes elle me retrouva. Elle tenta de me rassurer, me prit une dernière fois dans ses bras comme elle le faisait habituellement avec ses propres élèves. Mais cette scène de liesse se termina bien vite : le spectacle devait commencer.
Mes camarades passèrent avant moi, il me semblait que leur passage dura des heures. Je n'aimais pas cette attente : plus le temps passait plus mes angoisses montaient. J'avais les mains moites, ma respiration se fit de plus en plus rapide. J'avais l'impression d'oublier tout, autour de moi, le nom de mes amis et de mon partenaire. Mon appréhension était tellement forte en cet instant que j'en oubliais même mon texte.
Soudain, j'entendis les applaudissements de la dernière scène de mes complices, signe qu'il était temps pour moi d'entrer dans l'arène.
Je m'approchais de mon partenaire pour l'encourager. Pourquoi ce geste puisqu'il n'avait pas l'air stresser ? Peut-être pour me rassurer de mon côté.
Le présentateur nous annonça, ça y est l'heure de la confrontation avec ce monde étranger était arrivée. Je ne pouvais plus reculer.
J'étais tellement concentrée que je ne pus voir les réactions de mon partenaire et du public. Il ne fallait en aucun cas que j'oublie mon texte. Mes peurs étaient toujours là, ça j'en était sûre, mais ce que je savais aussi c'était que je m'en étais servie pour être plus forte sur scène. Je ne voyais plus mon partenaire, j'entendais simplement une voix. Etait-ce la sienne ? Ca je n'en étais pas sûre.
A chacune de mes répliques, j'avais peur que ma propre voix ne sorte pas, que le trou de mémoire arrive, ça aurait été une véritable catastrophe.
J'avançai péniblement de riposte en riposte et pourtant j'avais peur de ne pas être à la hauteur de la personne avec qui je jouais
Puis l'heure de la réplique finale arriva, c'était à moi de clôturer. Je ne devais pas me tromper sous peine de casser l'ambiance de la scène et devoir décevoir mon partenaire. Cette réplique jamais ô grand jamais je ne l'ai entendue quand elle est sortie du fond de moi. Je ne peux même pas dire aujourd'hui si elle est sortie. Ce dont je me souviens, par contre c'est d'avoir entendu la salle applaudir à tout rompre. Ce moment de la soirée je pense que je ne l'oublierai jamais : c'était mes premièrs pas dans ma vie de comédienne, mes premiers pas sur scène. Ma première réusssite après ma scolarité.
Ce soir-là, j'ai appris beaucoup de choses. J'ai d'abord appris à respecter les autres, j'ai appris que même si j'étais "différente" je povuais faire autant de choses que les personnes valides.
Enfin ce soir-là, j'ai appris à vaincre mes peurs peurs et mes angoisses.
Aujourd'hui beaucoup de choses ont changé pour moi : je continue à faire du théâtre, j'ai pris deux ans de cours de chant et depuis un an je fais de la danse en fauteuil roulant.
La scène et les spectateurs ne me font plus peur, au contraire aujourd'hui je ne rate aucune occasion de monter sur les planches, je m'y sens parfaitement bien. Si pendant un spectacle le public est absent ? Eh bie ce n'est pas grave, je me dis que je ne joue pas uniquement pour lui mais mour moi et surtout pour mes camarades. A présent quand vient l'heure de la pause estivale, je suis triste car je ne peux plus jouer avec ma famille de scène. Pour l'heure il me reste juste une petite crainte, que ma peur de monter sur scène me rattrape, mais pour le moment fort heureusement ça n'est pas le cas et je suis bien contente comme ça.
Alors, je vous le dis amis de la scène, n'ayez jamais peur de votre public car si un jour il vous arrive d'avoir un trou de mémoire ou si votre peur est trop grande il saura toujours vous pardonner, j'en ai fait l'expérience.