Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: La chose de la voiture (public averti) Lun 31 Jan - 2:07
Quelques explications avant la longue nouvelle que voici :
Ma grand-mère habitait un village du Marais Poitevin. Une de mes tantes lui avait laissé sa vieille Austin Mini (je ne parle pas de l'actuelle, mais de sa toute petite ancêtre). Un jour, cette voiture a brûlé dans le garage à cause d'une grave défaillance de sa batterie. L'enfant que j'étais encore à l'époque n'a pas résisté à la curiosité d'aller voir de près ce qu'il en restait. J'y suis allé en secret. Ce que j'ai vu m'a impressionné (mais cette histoire n'est venue que très longtemps après) : la carrosserie semblait intacte, mais toutes les vitres étaient devenues totalement opaques. J'en ai fait longuement le tour avec ce mélange de curiosité et de peur que nous avons tous éprouvé au moins une fois dans notre vie. Bien des années plus tard, j'ai parlé de ce souvenir avec un ami. Ce souvenir est venu dans une conversation où j'évoquais des souvenirs de vacances, celui-ci s'est présenté. Et il m'a inspiré une question : qu'est-ce que j'aurais vu dans cette voiture brûlée ? Ainsi est née cette histoire.
Attention : elle comporte quelques passages d'horreur. Ce que trouve le narrateur dans la voiture est une créature vraiment hideuse ! Et cette découverte n'est pas le seul passage gore.
Je commencerai à la poster dans les prochains jours.
igribouille plume d'Albatros
Nombre de messages : 1111 Localisation : Paris Date d'inscription : 05/10/2007
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 31 Jan - 13:43
on attend ... en tremblant ...
Raphaël plume de Colibri
Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 7 Fév - 1:25
Ça fait drôle d'écrire une histoire quand on n'est pas fait pour être écrivain. Mes seules expériences dans ce domaine se résument à des mauvaises notes en rédaction. Ajoutez à ça que la dernière fois que je suivais des cours où il fallait rédiger, c'était en terminale, et que la terminale, ça ne date pas d'hier... Et en plus, la lecture, pour moi, ça a toujours été un petit passe-temps, jamais une passion. J'étais plutôt branché télé et console. Celui ou celle qui tombe sur ce texte doit déjà commencer à se demander ce qui me prend de me lancer dans une galère pareille. Le gars, il ne lit pas, il était nul en rédac et il s'improvise écrivain ? Petite mise au point : je n'ai pas envie d'écrire, j'ai besoin d'écrire. J'ai quelque chose à confier. Je devrais en parler à un psy ? Non. Ce n'est pas un problème psychiatrique. Je devrais en parler à des amis ? Ça leur paraîtrait dingue ! À vous aussi, ça va paraître dingue, je vous préviens tout de suite. Mais quand on parle, on se fait interrompre, rire au nez... Là, vous lisez. Ce sont les pages qui vont vous faire marrer, pas moi. Si vous me traitez de taré, je ne suis pas là pour entendre. Et de toute façon, je ne vous connais pas, donc, ça m'atteint un peu moins qu'un collègue ou un ami ou un parent. Je ne vous connais pas, mais vous voulez peut-être connaître le narrateur de ce qui va vous paraître fou. Je m'appelle Guillaume Berthal. J'ai trente-cinq ans, je suis célibataire. Personne n'aurait envie de partager ma vie, vous allez le comprendre en lisant la suite. Je suis banquier. Il paraît que je fais du bon boulot. Les collègues trouvent que j'ai une tête de déterré quand j'arrive au bureau. C'est à cause de mon sommeil, si on peut appeler ça du sommeil. Ce ne sont pas tout à fait des cauchemars : on est bien d'accord pour dire qu'un cauchemar, c'est un rêve. Un rêve affreux, mais un rêve. Alors que chez moi, c'est réel. Les clients doivent me trouver nerveux, même s'ils ne me font aucune remarque. Sauf certains ! Vous allez bien ? quand j'ai l'air un peu absent. Je leur réponds : Oui, excusez-moi ! En réalité, il m'arrive de guetter ce ou ces fantômes. Combien ils sont ? Un seul, ça m'étonnerait. Entre les hurlements, les ricanements, les bruits de coups... Et encore, là, c'est pour l'ambiance sonore ! Les meubles qui bougent tout seuls et qui se soulèvent et qui retombent, c'est encore autre chose. Et aussi les odeurs de brûlé assez fortes pour me faire suffoquer alors qu'il n'y a même pas une étincelle ! Maintenant que vous avez un petit aperçu de ma petite vie, je vais vous la raconter plus en détails. Pour commencer, depuis combien de temps ça me poursuit.
(suite à venir)
igribouille plume d'Albatros
Nombre de messages : 1111 Localisation : Paris Date d'inscription : 05/10/2007
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 7 Fév - 15:53
pour l'instant ça reste lisible par un public non averti, mais c'est que le début
Raphaël plume de Colibri
Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Mar 8 Fév - 2:25
Ça fait vingt ans. Vingt ans que ça dure. Dans Amityville, la famille met les voiles au bout de beaucoup moins de temps que ça. Si je n'en ai pas fait autant, ce n'est pas faute d'être au courant de ça. J'aimerais bien que ça suffise, mais je sais bien que non. J'ai connu plusieurs logements, je suis allé en vacances dans plein d'endroits différents (en évitant comme la peste celui où tout a commencé, évidemment !) et ça me poursuit. Si ça vous intéresse de savoir comment ça se manifeste au moment où j'écris : la porte d'entrée de mon appartement s'est ouverte toute grande, et j'entends des bruits de bottes. La serrure a tourné, la poignée s'est abaissée et des bottes claquent sur le linoléum. Dans une pièce, puis dans la suivante, et comme ça jusqu'à ce que les fantômes aient parcouru tout l'appart. Je sais très bien que je ne verrai personne quand ce sera le tour du bureau où je tape mon histoire. D'ailleurs, ça y est ! Les bottes claquent derrière moi. Et je suis tout seul. En fait, c'est déjà arrivé, et pas qu'une fois. Là, la porte se referme. C'est fini, je n'ai plus qu'à attendre la suite. Si ça se trouve, je vais dormir tranquille et avoir la surprise de me réveiller par terre dans mon salon. Somnambulisme ? J'aimerais répondre que oui. Sauf que dans mon sommeil, j'aurai senti des mains qui m'auront saisi. Eh bien oui, c'est arrivé plus d'une fois ! Et pas que dans un seul de mes logements !
Quand tout a commencé, j'avais quinze ans. N'imaginez pas le gamin zarbi ou le souffre-douleur ! J'étais déjà sorti avec deux ou trois filles, mes moyennes n'étaient pas trop mauvaises... Bon, au lycée, le français, vu qu'il n'était plus question de dictées et d'analyses de phrases, mais de dissertations, ce n'était plus trop ça. Mes faiblesses en rédac se sont encore plus vues qu'au collège. J'avais un meilleur copain, des bons copains, des gars que je ne pouvais pas saquer... À la maison, ça se passait comme ça se passe à quinze ans : je répondais ouais ouais ! quand mes parents me reprochaient des trucs histoire de leur donner l'illusion d'en avoir quelque chose à foutre et que ça ne me prenait pas la tête. Mon année de seconde s'était terminée. Je passais en première STT, et ça convenait à tout le monde. Un trimestre avait suffi pour que la famille et moi arrêtions de rêver du prestigieux bac S. Une semaine du mois de juillet était déjà passée, et c'était parti pour les vacances chez mes grands-parents. Ben quoi ? Vous êtes déçus ? Vous vous attendiez à une nuit d'orage pendant laquelle j'aurais invoqué un démon dans une baraque abandonnée ? Eh bien non ! On peut quand même dire que l'évènement qui a tout déclenché s'est produit en pleine nuit, mais il ne tombait pas une seule goutte, et toutes les personnes qui étaient sur les lieux, moi y compris, dormaient. Vous pensez que j'ai visité une pièce interdite pleine d'alambics et de grimoires ? Non plus ! Donc, mes parents et moi partions pour le Marais Poitevin, où habitaient mes grands-parents. Quand j'étais petit, je m'en faisais une fête, de ces vacances : c'était l'occasion de retrouver mes cousins, de jouer avec eux dans les combles et dans une vieille annexe de la ferme... L'année de mes quinze ans, j'aspirais à autre chose, mais quoi exactement ? J'avais bien eu l'idée de chercher un petit boulot pour l'été, mais je m'y étais pris comme un manche et n'avais rien trouvé de sympa. Je me retrouvais à accompagner mes parents. Pendant le trajet, je pensais à la fille des voisins de mes grands-parents, qui avait deux ans de plus que moi, que je trouvais déjà très jolie avant même que mes hormones ne commencent à me travailler... Sitôt arrivés, nous nous sommes installés dans notre chambre de vacances. Un grand lit pour mes parents, un plus petit pour le mien. Je savais qu'une autre chambre donnait sur celle de Lucie, la fille des voisins. Comme mes grands-parents attendaient plusieurs de mes oncles, tantes et cousins (nous étions les premiers arrivés de la famille, et nous partirions les derniers), pas question que j'en profite. Et pas question non plus que je réclame une vue sur Lucie qui se changeait pour se mettre au lit. Vous imaginez comme c'était délicat ! Papy ! Mamie ! Je pourrais dormir dans cette chambre ? Des fois que Lucie dorme toute nue, je pourrais me rincer l'œil ! Moyen ! C'était parti pour des vacances banales : balades en barque dans la Venise Verte, balades à vélo sur les chemins du Marais Poitevin, shopping à Niort ou à la Rochelle... Ça, c'était le programme des cinq premiers jours. Et tout le monde pensait que ce serait comme ça tout l'été. Le cinquième jour s'est terminé, nous nous sommes tous couchés. C'est pendant la nuit qu'il est arrivé un évènement qui devait en déclencher d'autres qui devaient déclencher vingt ans de terreur.
Raphaël plume de Colibri
Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 30 Mai - 1:13
La suite (mais pas fin) de l'histoire
Des bruits de coups et des cris. Je ne parle pas de ce qui s'est passé chez mes grands-parents, mais de ce qui m'arrive du salon. Des fois, c'est court. Là, je dirais que c'est parti pour durer. Et quand ça dure, ça se termine avec des espèces de bruits de scie tellement dégueux que j'ai l'impression que ce n'est pas du bois qu'on coupe, je parierais plutôt sur des os. Elles vous plaisent, mes soirées ? Je vous invite quand vous voulez ! Je reviens à mes souvenirs. Donc, à la cinquième nuit chez mes grands-parents, il s'est passé quelque chose. Personne ne s'en est rendu compte vu que ça s'est passé dans le garage. Comment c'est possible ? Cette maison était une ferme, avec ses annexes. On vivait dans la ferme, et le garage était dans une annexe. Donc, nous avons tous bien dormi, nous nous sommes levés les uns après les autres... Sachant que nous étions deux grands-parents, deux parents et un gars de quinze ans, qui s'est levé le dernier ? Ben oui, c'est moi ! J'ai bien fait d'en profiter : je dormais bien, à l'époque. Alors que maintenant, je me lève tôt, mais qu'est-ce que je dors mal ! Comme les précédents matins, je descends prendre le petit déjeuner bien après tout le monde. J'entends des mots du genre C'est fou ! C'est incroyable ! Elle a fait son temps... Intrigué, je prends la parole : – Bonjour ! Qu'est-ce qui se passe ? Mon grand-père répond : – La voiture a brûlé. – Oh ? Cette voiture n'avait pas toujours appartenu à mes grands-parents. Une de mes tantes habitait avec son mari un chouette appartement à Paris. À Montparnasse, pour être plus précis. Pendant des années, ils ont eu une Austin Mini blanche. La vraie ! La toute petite ! Une aussi petite voiture, c'était très pratique pour circuler en Île-de-France, mais ça n'a pas empêché mon oncle et ma tante d'en avoir marre de rouler pliés en quatre et de se faire secouer par les suspensions trop raides. C'est là que ma grand-mère a eu l'idée de récupérer cette petite voiture. Mon oncle a trouvé que c'était une bonne idée : cette voiture était assez ancienne pour ne plus valoir grand-chose à la revente. Autant que ça reste dans la famille. Ma tante a approuvé. Et voilà comment mes grands-parents s'étaient retrouvés en possession de cette Austin Mini. – T'inquiète pas, ça a pas fait un incendie ! a poursuivi mon grand-père. Ça doit être un court-circuit. Tu sais, elle servait pas souvent, cette voiture. C'était bien pour ça qu'il avait approuvé ma grand-mère au moment de la reprendre : vu l'usage qu'ils faisaient d'une voiture, ça leur suffisait largement. Je n'ai rien trouvé de mieux à dire que : – Ça craint, quand même ! Là-dessus, je me suis préparé mon petit-déjeuner. Je l'ai mangé sans me poser de questions. C'est plus tard que j'ai découvert la vérité sur ce qui s'est passé. Un court-circuit, mon œil ! La matinée s'est déroulée sans rien de notable. Juste la conversation qui a continué sur ce sujet. À midi, il en était encore question, mais déjà moins. C'est au début de l'après-midi que j'ai prévenu tout le monde que j'allais m'adonner à mon activité favorite pendant les vacances chez mes grands-parents : – Je vais faire un tour de vélo. Personne ne m'a désapprouvé. Je ne demandais pas la permission, je signalais juste que je partais. Je me suis rempli une gourde et suis allé là où étaient garés les vélos : dans le garage. Petite précision : ces vélos étaient ceux dont la famille cessait de se servir. Au lieu de les balancer, nous les déposions dans ce garage, et ils continuaient de nous rendre service pour des balades dans le Marais Poitevin. Quand leur état devenait trop mauvais, on les démontait, et leurs pièces permettaient de réparer les moins anciens. Chez nous, nous avions des VTT, courses et autres dernier cri. Aucun électrique : c'était il y a vingt ans, n'oubliez pas ! Et chez mes grands-parents, nous nous contentions de ces vieux biclous dont seuls les meilleurs avaient trois vitesses, la plupart n'en avaient qu'une. Ça m'était égal. Vous connaissez le Marais Poitevin ? Vous êtes facilement au bord de l'eau ou sous des arbres, et c'est tellement génial que vous vous en foutez bien de monter les côtes à pieds ou d'avancer à deux à l'heure ! Donc, je suis allé prendre un vélo dans le garage. Plus exactement : mon vélo. En fait, c'était un de mes oncles qui l'avait déposé dix ans plus tôt. Mais je l'appréciais bien : il avait ses deux freins corrects, ce qui n'était pas le cas de tous, ses pneus restaient gonflés... Bon, il n'avait qu'une seule vitesse, mais on ne peut pas tout avoir ! J'ai ouvert la porte du garage. Là, je ne vais pas vous surprendre : j'ai vu l'Austin brûlée. Et je suis tombé en arrêt devant. Quand je vous l'aurai décrite, vous comprendrez pourquoi ! C'était impressionnant. La carrosserie était aussi blanche qu'avant. Mais les feux et la vitre arrière, c'était autre choses. Le verre était noirci. Même pas peint en noir. Ça donnait l'impression d'avoir été remplacé par des plaques noires. Saisissant, je vous promets ! J'en ai fait le tour. Les vitres latérales. Le pare-brise et les phares. Tout ce qui était de verre avait pris cette nouvelle couleur noire. Et là, je n'ai pas résisté à ma curiosité : j'ai ouvert une portière. Je m'attendais juste à ce que ça pue le brûlé. C'était à cause de ces vitres noircies : j'ai eu l'envie (débile, c'est vrai !) de voir à l'intérieur. Quand vous aviez quinze ans, vous n'avez fait que des trucs intelligents, peut-être ? Quand un cousin plus jeune que moi a eu cet âge, il a tagué les WC de son bahut. Maintenant, il est prof de maths. Mais à l'époque, il avait vu des tags ici et là, et il s'était dit Pourquoi pas moi ? Lui, la conséquence, c'était une grosse amende pour ses parents, une privation d'argent de poche, l'interdiction de sortie et l'obligation de participer au nettoyage de sa connerie. Moi, j'ai pris beaucoup plus cher. Et je continue de payer vingt ans plus tard.
(Suite à venir. En attendant, n'hésitez pas à donner votre avis)
Raphaël plume de Colibri
Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 20 Fév - 2:15
Ça y est, j'entends les bruits de scie. Ceux dont je parlais quelques lignes plus tôt. Ce bruit est toujours aussi dégueulasse, à croire que c'est de la chair et de l'os qu'on coupe. J'espère que ça ne puera pas le cadavre dans mon lit quand j'irai me coucher. Si ça arrive, je n'aurai qu'à me dire que ça ne sentira plus rien au réveil. Pour ce.ux.elles qui me croient blasé, ne vous y trompez pas : je flippe toujours autant depuis vingt ans ! Il paraît qu'on s'habitue à tout... Quelle foutaise ! On fait avec, ce n'est pas pareil ! Je ne m'y habitue pas, je fais avec. Pour une raison toute simple : je n'ai pas le choix ! Si les Lutz (bon, c'est un mauvais exemple : il paraît que leur histoire était une grosse arnaque) avaient eu droit à des nouvelles versions d'Amityville partout où ils habitaient, ils auraient fini par se poser et subir.
J'en étais à l'Austin Mini. J'ai avancé la main vers la poignée de la portière, et puis j'ai arrêté mon geste. Qu'est-ce que j'espérais voir à part de la cendre ? Ça aurait dû me dissuader. Eh bien non ! J'avais ces foutues vitres noires sous les yeux. Ces vitres devenues opaques ! Qu'est-ce qu'il y avait derrière ? Je voulais le savoir ! J'ai ouvert la portière, et j'ai su. D'abord, j'ai suffoqué. Ça puait le brûlé, là-dedans ! Ça prenait à la gorge. J'ai fermé les yeux et reculé à cause d'un nuage de cendres. - Ouh la vache ! C'est tout ce que j'ai trouvé à dire. Je me rappelle ce que j'ai pensé sur le coup : que cette histoire ferait marrer mes potes de première. Évidemment, je ne pouvais pas me douter que je ne raconterais jamais rien de tout ça à aucun pote ni aucun parent. Et pourtant, je n'ai jamais rien oublié. Même si je ne suis pas revenu depuis vingt ans dans cette ferme, qui, d'ailleurs, n'appartient même plus à ma famille (vu l'horreur qui a eu lieu plus tard, vous comprendrez pourquoi), j'ai l'impression de me rappeler chaque détail du garage. Ses poutres apparentes. Le vélo de mon grand cousin accroché à un mur, privé d'une roue, du pneu de la roue qui lui restait, tout ça parce qu'on se servait dessus quand il manquait des pièces. Ah ! Les vélos ! Je peux les décrire un par un ! Celui de mon grand-père, par exemple : très ancien, cadre de trente kilos. Pour vous dire comment ça m'a marqué : à ma toute première leçon de conduite, j'ai mis un temps complètement fou pour ouvrir la porte de la voiture-école. J'avais l'impression de revoir cet affreux fantôme derrière le volant. Quand le moniteur me demandait Ça va ?, sa voix me paraissait venir de très loin. Bon, j'ai fini par m'installer derrière le volant. Depuis, il m'est arrivé des drôles de trucs en voiture. Oui, ça me poursuit aussi quand je conduis ! Non, à la maison, ça ne suffit pas ! Tant qu'à faire, pourquoi se priver d'entendre ricaner à un feu rouge alors qu'on est tout seul dans la voiture ? J'entends aussi des bruits de baffes, des pleurs... Bon, ben voilà, ça puait le brûlé dans l'Austin et c'était plein de cendres. Là, j'aurais dû me dire que j'avais vu ce que je voulais voir. Sauf que j'avais l'impression de n'avoir rien vu. Alors, j'ai rouvert les yeux.
(Suite prochainement)
Vyvy aime ce message
bruno plume de Pelicanus MODERATEUR
Nombre de messages : 1147 Localisation : Paris Date d'inscription : 02/10/2007
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Lun 20 Fév - 13:25
Pour les personnes qui ne connaissent pas l'affaire d'Amityville :
Nombre de messages : 846 Date d'inscription : 04/03/2008
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Ven 3 Mar - 16:39
J'attends la suite...
igribouille plume d'Albatros
Nombre de messages : 1111 Localisation : Paris Date d'inscription : 05/10/2007
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Ven 3 Mar - 19:11
on attend tous la suite, ne t'inquiète pas Raphael si on ne réagit pas tout de suite, comme c'est une nouvelle on attend d'avoir une vision d'ensemble
Raphaël plume de Colibri
Nombre de messages : 36 Age : 46 Localisation : Laval (53) Date d'inscription : 21/07/2021
Sujet: Re: La chose de la voiture (public averti) Dim 5 Mar - 1:58
Je vous remercie de votre lecture. Vous attendez la suite ? Attention : c'est gore !
Je peux dire que c'est à ce moment-là que j'ai découvert ce que c'était que l'horreur. La vraie. Pas celle qu'on voit au cinéma et qui vous fait marrer une fois sorti de la salle, un peu comme un train fantôme. Non. La vraie horreur, elle vous marque à vie. Elle ne cesse jamais de vous nouer les tripes, de vous coincer le cœur dans une espèce de main gluante. J'ai ouvert la bouche. Un mélange de peur et de dégoût, m'a enlevé toute ma voix, ce qui fait que je n'ai pas pu hurler. Mes jambes ont eu un mouvement de recul, mais elles tremblaient dix fois trop pour réussir à m'éloigner assez vite de ça. Ce qui se tenait assis sur la voiture était tout nu, ce qui lui permettait d'étaler toute les horreurs de son corps. Les deux jambes et les deux bras étaient humains, même les mains palmées l'étaient. Après tout, cette anomalie, elle s'est vue. Mais le reste... Vingt ans après, j'en tremble encore et j'ai toujours les mêmes nausées. La cage thoracique aurait pu être humaine être aussi, si seulement il était resté plus de peau et de chair. Le cœur et les poumons palpitaient, soulevaient et relâchaient les côtes et le sternum dénudés. Plus aucun ventre n'arrêtait les entrailles, qui pendaient entre les cuisses sur le siège brûlé de la voiture. Les intestins déroulés semblaient essayer d'appuyer sur les pédales. Là où aurait dû se trouver le sommet du crâne, une masse grisâtre suintait, parcourue d'espèces de filaments noirs. Même sans être plus calé que ça en anatomie, j'ai reconnu un cerveau, et ces filaments noirs devaient être des nerfs. Ce monstre a tourné sa tête vers moi. Sur son cou trop maigre, des plis ont creusé la peau. Il va me bouffer ! C'est tout ce que j'ai réussi à penser quand il a ouvert la bouche. C'est alors que j'ai vu ses dents. Très courtes. Elles n'étaient que des fragments d'émail qui dépassaient des gencives. Aujourd'hui encore, je me demande comment j'ai réussi à retrouver mes esprits. Juste assez pour faire ce qui me démangeait : refermer la portière. Mais mes jambes tremblantes n'ont toujours pas voulu se dépêcher de m'éloigner de cette carcasse. J'avais beau savoir ce que cachait cette vitre noircie, je n'arrivais pas à m'en détacher. C'est en entendant une respiration rauque que j'ai réussi à me ressaisir un peu mieux. C'est ça qui m'a permis de me précipiter vers mon vélo, enfin, celui que mon oncle avait laissé ici. De le sortir de son porte-vélo, de le rouler hors du garage. Ce n'est que dans la cour que j'ai pris conscience que cette respiration était la mienne. Il fallait que je me calme avant que ma famille me voie dans cet état. Un coup de chance que personne ne soit sorti à ce moment-là. Qu'est-ce que je leur aurais raconté ? Que dans la voiture brûlée, il y avait un bonhomme avec le cerveau à l'air et les entrailles qui prenaient le frais ? Alors que je roulais le vélo vers le portail, j'ai commencé à me demander où j'étais allé cherché une image pareille. J'avais vu des films d'horreur (enfin, maintenant que je sais ce que c'est que l'horreur, dans ma tête, je ne les appelle plus comme ça). J'avais entendu à des infos des faits divers, vu des documentaires sur des affaires criminelles. De près, j'avais vu des bobos. Les miens, ceux de mes copains, ceux de mes cousins... et j'avais disséqué une langoustine quand j'étais en seconde, en cours de sciences nats. Le truc le plus gore que j'avais fait dans toute ma vie. Ah ! J'oubliais : un pote m'avait montré un jour les photos d'un des derniers condamnés au Ling chi, en bon français supplice des cent morceaux. C'était ça qui se rapprochait le plus de ce que j'avais vu dans cette Austin cramée. Mais c'était bizarre. Sur le coup, j'avais été choqué qu'on puisse infliger un supplice aussi atroce. Mais j'avais réussi à dormir. Et ça datait du collège, cette histoire. Au moins un an. Alors pourquoi je me mettais à halluciner maintenant ? J'ai enfourché le vélo et commencé ma balade. Je ne le savais pas encore, mais cette horreur n'était pas une hallucination. Ça, j'en prendrais conscience plus tard. Pas beaucoup plus tard. Même s'il m'a fallu encore au moins un épisode pour comprendre.
(Les prochains passages viendront plus vite. Si vous les attendez toujours...)