Pivoine d'Hélène
Minuit. L'église sonne.
Pour une folle, treize coups tonnent.
Allongée sur les marches, une femme de blanc,
Tenant entre ses mains comme une pivoine...
Un homme sous l'arche, en noir, devant,
Assis, religieux comme un moine
Fleur merveilleuse, pivoine de mon désir,
Je n'ai que toi, qu'une chose à t'offrir :
Mon amour, en veux-tu ?
Hélène n'a jamais pu !
Pourtant ce que je propose
Est le rubis précieux
Criant d'apothéose
d'un amour audacieux !
Le rouge de ton pétale sublime
A mesure que le temps s'effraie !
Ses lèvres, d'antan succulentes, s'abiment
A vouloir l'imiter en de pâles effets
Si tu voulais bien prendre vie
Car je le vois, oui, tu grossis
Notre mariage serait scellé
Sous cette arche d'éternité
Unis à jamais,
Défiant toute autoritéJe te le promets
La noirceur de ta sève, suçante,
En quête de vie imminente
Dans l'échange, ne sera plus obligée
O ma fleur, mon âme, ma vie !
Toi au moins tu m'appartiens...
Mon soleil, ma lune, ma lubie !
J'ai sacrifié aux besoins de nos liens
Je l'aimais mon Hélène
Amen !
Ah je l'aime, je l'aime et l'aime toujours,
A jamais ce voyage est sans retour
Mon espoir en toi s'effondre
Ma fleur : tu ne peux répondre !
Ses lèvres me paraissent plus rouges qu'avant
Mais mon Dieu, qu'ai-je fait, tout ce sang !
Ses lèvres me parlent, m'appellent...
Ai-je dit succulentes , oui charnelles !
Pivoine merveilleuse, fleur de ton désir
Je suis la touche fatale ; la mort respire,
Ma sève rouge s'étale,
Coule et dévale
A travers deux monts exposés
La gorge d'Hélène est touchée !
Non ! Hélène tu es mon parfum d'Eden
Ma lumière de vie, mon espoir du jour
Lève-toi ma morte, mon amour
C'est la fin du début de la haine
Malheur à toi pauvre sot
Tu me donnes ton amour et l'ôte aussitôt
Le treizième coup sonne. Voilà ta destinée
A ma demande, soufflons notre dernier baiser
Il est minuit. Douze coups ont sonné.
Une femme de rouge, souillée,
Se lève, lèvres ensanglantées
Un homme qu'elle connait, allongé
Tenant à pleine main un couteau, planté
En plein cœur, tout ouvert, faisant couler
Le sang de quelque vie, volée
Sur une bouche, entre-baillée
Est-ce bien toi Hélène ressuscitée ?