Cher songe, ma belle amie,
Me permettrez-vous de commencer cette troisième lettre à votre intention par une anecdote :
Aujourd’hui, alors que je vous cherchais quelque part entre mon âme et la réalité, je me retrouvai tout à coup sous un orage. Je fus trempé comme une souche, mais n’arrivai pas à me dire qu’il me fallait m’abriter. Cette pluie battante mais chaude collait les vêtements sur ma peau et plantait mes pieds dans le sol. Je me sentais chaque instant plus lourd, mais rempli du contact des éléments, et comme lavé de mon vernis artificiel par cette pluie si pure.
J’ai pensé si fort à vous ma douce enfant, voilà ce que je voulais que vous soyiez pour moi : une pluie d’été…
Vous arriveriez quand ma sueur vous aurait tant espéré et ma peau tant redouté. Vous me couvririez d’une affection débordante qui anesthésierait mes sens et me glacerait à l’intérieur, mais sans pour autant effacer mon sourire.
Comme une pluie d’été vous seriez une promesse de renouveau, et vous exhaleriez des senteurs boisées et enivrantes… Vous seriez insaisissable, comme la pluie que l’on essaie de boire, bouche ouverte et tête renversée, et qui laisse notre gorge sèche. Vous disparaîtriez sitôt tombée dans la terre de mon cœur resté aride.
Comme une pluie d’été, je ne pourrais vous dire si vous êtes une bénédiction ou une plaie, mais vous me feriez enfin ressentir la fraicheur de votre présence et mes sens, une fois dépassé le frisson de votre caresse, s’imprégneraient tout entiers de chacune de vos gouttes…
Comme une pluie d’été, après avoir redonné la vigueur à mon cœur asséché et susurré à la nature des mots d’amour, vous disparaîtriez soudain… Vous laisseriez le monde joyeux de la paix ensoleillée retrouvée, mais grave de la langueur de votre fertilité si désirée…
Bel objet de mes désirs, vous vous évaporeriez au soir d’un été sans fin, mais je garderais toutefois enfouie en moi l’attente de votre nouvelle venue, pour pouvoir comme une incantation, glisser à votre oreille :
« Vous êtes là, la vie est si belle »…