Jusqu'à ce que la mort...
Bordeaux, deux heures du matin.
Sous les arches du Pont de Pierre, Une forme sombre se déplace sans un bruit.
Une bande de fêtards revenant des quais de Paludate vient à son encontre.
L'étrande silhouette se tapit dans l'ombre et attend.
Les boîtes de nuit situées les unes à la suite des autres le long des quais sont devenues depuis quelques temps le rendez-vous des noctambules venus s'amuser mais également des dealers et autres détrousseurs.
Seulement cette fois-ci, le petit groupe de jeunes allait rencontrer bien pire que les malfrats habituels.
L'obscurité aidant, pas un n'avait pu dire qui ou quoi les avait attaqué. Et quand bien même, ils l'auraient vu, aucun n'aurait pu le décrire à qui que ce soit, ils étaient tous morts.
Il n'avait fallut que quelques secondes à cet être diabolique pour se débarasser des quatre adolescents.
Quelques mois plus tôt.
Un concert de klaxons sur les boulevards bordelais se détachait de la cacophonie habituelle; ceci annonçait non pas un début de révolte mais plutôt le début d'une nouvelle vie.
Effectivement, deux inconscients venaient de se dire oui devant le maire puis devant le prêtre. Le ciel lui-même semblait vouloir participer à la fête laissant de temps à autre éclater sa joie en lançant quelques éclairs suivis plusieurs secondes après de timides coups de tonnerre.
Mais heureusement pas de pluie à l'horizon.
Toute la nuit fut propice à moult plaisanteries et autres embrassades.
On déplora également l'altercation entre les témoins inhérente à l'abus d'alcool mais rien de bien méchant.
Le lendemain, le réveil fut rude, si la fête était terminée pour les jeunes mariés, elle ne faisait que commencer pour leurs pauvres cerveaux.
Néanmoins, une nouvelle allait calmer ce brouhaha interne, Alexandra annonça à son tout nouvel époux qu'ils seraient trois dans quelques mois.
Tel un puissant analgésique, cette annonce annula complètement la douleur crânienne et ils s'enlacèrent de nouveau prolongeant ainsi leur inoubliable journée dans le bonheur.
Plusieurs mois passèrent et le ventre d'Alex commençait à bien s'arrondir, le terme de l'adorable supplice arrivant dans moins de deux mois.
Ils marchaient le long des berges fluviales, se pojetant dans des futurs idylliques quand ils furent pris à parti par un solide gaillard à l'haleine particulièrement chargée.
Il commença par une simple demande de cigarettes mais assez vite se montra insistant avec la jeune femme.
Julien s'interposa mais n'eut que le temps de voir son épouse emmenée en direction des hautes herbes, il venait de se prendre un coup de poing dans la nuque qui le laissa inconscient sur le sol.
"Où suis-je ?"
Il faisait tellement sombre qu'il eut l'impression de flotter...comme en état d'apesanteur.
Il avança tout droit. Enfin, se détachèrent des formes au loin puis des murmures, quelqu'un semblait s'éloigner de lui à grands pas.
"Attendez !! Qui êtes-vous ?"
Imperceptiblement, il crut entendre un mot, un seul: "fuis".
Puis, couvrant les chuchotements, une immense voix lança un tonitruant: "trouve-moi !!"
Julien ouvrit les yeux.
L'endroit si calme il y a quelques minutes à peine grouillait de monde à présent.
Les policiers avaient du mal à faire reculer les badauds pris de curiosité morbide.
Les pompiers et le SAMU étaient là aussi.
Curieusement, malgré son état, ils n'étaient pas aux petits soins pour lui mais se trouvaient à une dizaine de mètres d'ici.
Alexandra...
Il se redressa d'un seul coup et retomba aussi sec. Sa tête tournait.
Un des pompiers lui intima de rester tranquille et qu'il valait mieux rester ici.
Le doute, la peur, la colère l'emportèrent sur la raison et il se dirigea en titubant vers le groupe d'hommes en uniformes.
Enfin elle était là, du moins ce qu'il en restait.
Il déglutit puis vomit sans même se pencher en avant, il était sous le choc, incapable de bouger.
Devant lui, sa bien-aimée n'était plus que charpie.
Son corps était lardé de dizaines de coups de couteau et horreur suprême, à côté d'elle, gisait le petit corps inerte de leur enfant pas encore complètement formé.
Il s'évanouit.
Julien se réveilla en hurlant, complètement paniqué.
Tout son être était pris de tremblements et il transpirait à grosses gouttes.
Alertées par les cris, les infirmières débarquèrent en trombe et eurent bien du mal à calmer le jeune homme.
En effet, celui-ci venait d'arrâcher sa perfusion et répétait sans cesse: "trouver qui, trouver qui ?"
Plusieurs jours passèrent et il retourna enfin chez lui.
Ses cauchemards étaient toujours aussi présents, presque réels. A chacun de ses réveils, la même impression d'avoir quelquechose à accomplir.
Etrangement, cette terrible voix qui martelait nuits après nuits cette phrase qui le hantait désormais même la journée, ne se faisait entendre que lorsque le colère et la tristesse le gagnait.
Ces deux sentiments se mélangeaient quand il regardait le cadre photos numérique où défilaient inlassablement les images de son bonheur perdu, assassiné.
Pendant son séjour hospitalier, un avis de réception lui avit été laissé. Ayant omit d'aller récupérer son colis, celui-ci était reparti.
Un second envoi fut exécuté et heureusement, Julien pu enfin récupéré son précieux sésame...la cassette vidéo de son mariage.
Les yeux embués de larmes, il l'introduisit dans le magnétoscope et jura. Tout cela ne pouvait finir ainsi.
De colère, il jeta le cendrier en pierre volcanique posé sur la table basse contre la télévision. Les divers objets qui passaient à sa portée furent irrémédiablement détruits, jetés soit par terre, soit contre les murs.
Un sentiment de culpabilité le tiraillait à présent, il n'avait pas réussi à la sauver.
Il suffoquait.
"Trouve-moi. Plonge dans les limbes et découvre la clé de ta vengeance.
Au paroxysme de ta colère, le chemin de ta folie se pâvera de sang.
Déchire de tes cris ce voile qui t'empêche de voir de l'autre côté.
L'insatiable appétit de ta haine dévorera les responsables de ton malheur.
Exècre ta vie de mortel et deviens le bourreau de tes semblables.
Trouve-moi et tu te trouveras aussi."
Les deux mains sur la tête, les yeux roulant de droite à gauche, Julien savait, il était devenu fou.
Une démence compréhensible après la terrible épreuve qu'il avait traversé mais une démence passagère, du moins l'espérait-il.
Il sortit dehors.
Malgré la pluie, il ne s'était couvert que d'un caleçon et d'un misérable tee-shirt déchiré par endroit.
Il errait, le regard troublé, hagard tel un boxeur à la fin d'un match particulièrement difficile.
Sous un abribus, un couple se disputait.
Une querelle d'amoureux qui finirait dans quelques heures par une réconciliation sous les draps.
Devant cette banale altercation, le sang de Julien bouillonna et il se rua sur l'homme à fleur de peau qui n'en demandait pas tant.
Effectivement, celui-ci décocha une volée de coups à son assaillant qui s'écroula parterre.
La femme elle-même, lui donna un violent coup de pied dans les côtes.
La main dans la main, ayant oublié les causes de leur dispute, ils montèrent dans le bus qui venait d'arriver et laissèrent Julien, le corps meurtri, dans son desespoir.
La pluie redoubla d'intensité mais il restait toujours allongé, le visage dans une flaque.
Aucun piéton ne prêta attention à lui.
Enfin, il se releva et revint chez lui.
Il se fit couler un bain et s'y endormit.
De nouveau, il plongea dans ses abominables rêves.
Il y faisait toujours aussi sombre mais curieusement, il commençait à s'y habituer.
Il avança de nouveau droit devant lui.
Encore ces chuchotements lui demandant de rebrousser chemin.
Ils semblaient venir de partout, comme un essaim.
Il les ignora et continua son chemin.
Il se sentait tiraillé de toutes parts par des dizaines de mains mais sans que celà ne le gêne. Comme si elles l'agrippaient puis l'instant d'après partaient en fumée.
Une lumière opaque dansait au loin.
Il courut.
Sa course, dura près de dix minutes avant qu'il n'atteigne cette lueur.
Tellement obsédé par celle-ci, il faillit tomber au fond d'un immense trou. En effet, sans le savoir, il s'était engouffré dans un corridor qui se terminait abruptement.
Debout sur cette corniche, Julien avança prudemment et ce qu'il vit le glaça d'effroi.
Au fond de ce crâtère ou plutôt cette grotte, se trouvait tout un tas d'être absolument terrifiants.
Des hommes et des femmes, entièrement écorchés se roulaient sur le sol. Leur douleur semblait terrible mais aucun son ne s'échappait de leur bouche.
Autour d'eux, jubilaient des centaines de créatûres de différentes tailles et de différentes formes.
Certaines écartelaient les humains, d'autres les pénétraient armées de sexes démesurés faisant déchirer les corps.
Julien entreprit de faire demi-tour mais de nouveau, cette voix gutturale se fit entendre.
"Ne veux-tu pas venger ta femme et ton enfant ?
Ne veux-tu pas expier tes erreurs ?
Ne veux-tu pas...la retrouver ?
- Comment pourrais-je la retrouver, elle est morte !
- Trouve-moi et je te rendrais ton bonheur perdu."
L'espoir de revoir ne serait-ce qu'un instant sa bien-aimée lui redonna la force de rester dans ce monde insoutenable de cruauté.
Sur sa droite, en faisant preuve de dextérité, il pourrait, logiquement, descendre de quelques mètres sans qu'on le voit.
Il s'exécuta.
Tournant le dos aux démons, il se laissa glisser le long de la paroi et prit appui sur un piton rocheux dépassant du mur.
Il continua ainsi sur trois bons mètres quand soudain, l'une de ses prises, plus friable que les autres, s'effrita sous ses pieds et il n'eut que le réflexe de se rattraper in-extrémis à une infractuosité de la rôche qui lui déchira les doigts.
Les pieds ballants et l'autre main cherchant désespérément une prise, il commença à paniquer.
Quelques créatûres commençaient à lever la tête, l'air soupçonneux.
Julien lâcha prise et tomba deux mètres plus bas. Grâce à Dieu, si on peut dire, sa chûte fut amortie par des espèces de champignons qui tapissaient le sol.
Il se jeta sur le côté et put se câcher derrière un gros rocher.
L'odeur ici-bas était épouvantable.
Heureusement, ces êtres hideux continuaient leur horrible besogne laissant présager qu'ils n'avaient pas encore remarqué sa présence.
Quel chemin prendre maintenant ?
Plusieurs cavités creusées dans la rôche se présentaient à lui. Le choix allait pourtant être vite fait carune étrange agitation secoua tout ce petit monde.
Sans hésiter, il s'engouffra dans le premier trou qu'il vit et rampa à l'intérieur.
Surtout, ne rencontrer personne arrivant en sens inverse !
Enfin il arriva au bout et surprise, personne.
En guise de monstres, un lac. Un immense lac.
L'autre était difficilement discernable.
Il avança en direction de cette grande étendue d'eau souterraine et apprôcha son visage de l'onde verdâtre.
Etait-ce de l'eau ?
Difficile de répondre mais une chose était sûre, le reflet dans ce liquide n'était pas celui de son visage.
Il s'avança de nouveau et dû se rendre à l'évidence, ces yeux à la pupille fendue, ces oreilles bien plus longues qu'avant et surtout ces dents taillées en pointe, tout celà était à lui.
Pas le temps de se morfondre ou de chercher à comprendre, des grôgnements se faisaient entendre dans le petit tunnel.
Où se cacher ?
Sa seule échappatoire était de traverser le lac.
Pas un bâteau ni même un simple rondin de bois ne flottaient à la surface.
Il devait pourtant vite trouver une solution car deux petits diablotins aussi gros qu'un poulet se dirigeaient vers lui.
Leur façon de claquer des machoires ne laissait présager rien de très amical.
Il sprinta comme un dératé sur cette plage rocailleuse et arriva à les distancer.
En fait, ils avaient simplement fait demi-tour.
Quand Julien retourna la tête devant lui, il comprit...
Une espèce d'ogre rouge d'au moins trois mètres de haut arrivait en face de lui.
On pouvait lire sur son facès une immense joie à l'idée de changer son menu.
Le pauvre homme était tétanisé.
Une grande ouverture dans le mur le narguait.
Qu'y avait-il à l'intérieur ?
S'il prenait cette entrée, servirait-il de dessert ?
Encore une fois, pas le temps de réfléchir, l'ogre serait sur lui dans quelques secondes.
Il entra.
A peine eut-il marché quelques mètres qu'il en ressorti avec à ses trousses une bonne cinquantaine de ces pseudos gallinacés carnivores.
Le bruit qu'ils faisaient était assourdissant.
Pourtant, ils cessèrent complètement leur cri devant les trois mètres de muscles devant eux.
A présent, les petits démons cherchaient également à s'échapper.
Julien se retrouva au milieu de ce tumulte et courait lui aussi dans tous les sens.
L'ogre émettait des grognements de satisfaction à chaque créatûres qu'il écrasait.
Le garçon profita de l'euphorie du monstre pour ses jeux cruels pour s'éclipser discrètement.
Heureusement que son intelligence n'était pas proportionnelle à sa taille.
Julien se cachait juste à l'entrée des tunnels et progressait ainsi mètres après mètres.
Il ne fallait surtout pas rester à découvert ni s'enfoncer trop profondément dans ces grottes.
Il comprit que sa tactique fut la bonne quand il vit deux autres géants passer devant sa cachette sans le voir.
L'obscurité à l'intérieur l'aidant pour beaucoup.
Il marcha des heures et toujours le même manège, frôler les murs, grottes, frôler les murs, grottes...
Et puis, il le vit, un bâteau, du moins une barque.
S'étant rassuré qu'aucune monstruosité ambulante ne trainait dans les parrages, il examina la petite embarcation.
Il porta la main à sa bouche...de la peau humaine.
La barque était entièrement recouverte de peau humaine. Impossible de savoir la matière avec laquelle elle avait été faite, le derme humain cachait la moindre parcelle de bois...ou autre matèriau.
Deux bras en position droite étaient figés et servaient à priori de rames.
Le dégoût non pas passé, mais surmonté, il l'a mis à l'eau.
Des milliers de petites bulles apparurent au fur et à mesure de l'immersion. L'acidité du lac rendait la barque ou plutôt les corps, effervescents.
Il fallait faire vite.
Il pagaya et remarqua que, curieusement, il avançait bien vite.
Derrière lui, dans le sillage de l'immonde esquif, une longue et large traînée rouge se formait.
Après plusieurs mètres, Julien commença à sentir comme des remous sous ses fesses, il ne restait plus que cinq ou six centimètres de chair humaine.
Il intensifia ses coups de rames et parvint enfin de l'autre côté du lac.
Il se mit debout dans la barque et s'apprêta à bondir sur la terre ferme quand son pied traversa le plancher dermique.
Prenant appui sur son second pied, il sauta et roula sur le sol.
Le caoutchouc de la semelle s'étirait tel du chewing-gum.
Il se déchaussa le plus vite possible et devant ses yeux ébahis, il vit ses pieds prendre une teinte rosée voir même rougeâtre par endroit et plus impressionnant encore, ceux-ci s'élargirent et se dotèrent de puissantes et longues griffes.
A ce stade, on ne pouvait plus parler d'ongles tant ils étaient similaires aux griffes des grands félins d'Afrique ou d'Asie.
Il souleva son tee-shirt et non, cette transformation n'était pas montée jusque là.
Autour de lui, le décor n'était pas le même que sur l'autre rive, d'innombrables stalagmites parsemaient le sol comme une triste forêt sans âme.
Au lointain, une montagne dominait l'ensemble.
Il devait y grimper, il le sentait au plus profond de lui, comme si sa vie ne dépendait plus que de ce prochain périple.
Il chemina à travers ce dédale de pointes avec beaucoup moins d'appréhension que précédemment.
Il s'étonnait même d'y prendre presque du plaisir.
Certaines structures étaient gigantesques tandis que d'autres étaient si petites qu'il fallait faire attention de ne pas s'y empaler en cas de chûte.
A l'intérieur de ce labyrinthe épineux, on avait du mal à distinguer la montagne.
C'eut était dommage de s'y perdre et de la râter.
Au cours de ses pérégrinations, il fit connaissance avec la faune locale.
Celle-ci était principalement composée de petites bestioles ressemblant à un mélange de rats et de hiboux.
Un petit corps nu d'une trentaine de centimètre de long supportait une lourde tête nantie de deux gros yeux globuleux et d'un museau court mais serti de petites dents coupantes comme des rasoirs.
Armé d'une stalagmite arrâchée à son socle, Julien en avait déjà embrôché plus d'un.
Tout à coup, le sol se mit à trembler.
La montagne elle même avait l'air de bouger.
En fait, elle n'en avait pas que l'air, c'était elle la cause de ces secousses, elle avançait réellement.
Les vibrations produites par cette immense...chose, quelle qu'elle soit, empêchait Julien de se tenir droit.
Plus d'une fois, il était tombé et s'était ébrêché les mains.
Machinalement, il se mit à quatre pattes et avança prudemment.
Plus la distance entre cette énormité et lui s'étiolait, plus son allure augmentait.
Cette position, de prime abord, incongrue, lui permettait de rester sur ses pattes et de ne pas chûter mais surtout, plus inquiétant, il s'y habituait.
En quelques minutes, il avait réussi à rejoindre le mont mobile et ce qu'il vit le pétrifia.
La montagne était en fait composée de milliers de corps fusionnés entre eux comme du plastique que l'on aurait fait fondre.
Sous celle-ci, des centaines, peut-etre des millions d'êtres humains la tenait à bout de bras.
Le nombre effarant d'hommes marchant en symbiose expliquait en partie ces tremblements.
Pieds nus, les innombrables pics s'enfonçaient sous leurs voûtes plantaires allant jusqu'à traverser leurs pieds.
Et toujours ces mêmes agonies silencieuses.
Autour d'eux, des centaines dinsectes semblables à de gros scarabés les harcelaient sans cesse, happant ici et là des lambeaux de chair sur leurs corps déjà bien décharnés.
Chaque être humain qui tombait venait irrémédiablement se rajouter à l'imposante structure macabre.
Tout en se dirigeant vers elle, ses deux mains changèrent également de couleur et se dotèrent aussi de griffes recourbées de dix à quinze centimètres.
Celà ne le choquait plus.
De toute façon, il n'était pas l'heure de penser au pourquoi de sa transformation physique car une nuée de scarabés nécrophage venait dans sa direction.
Au lieu de s'enfuir comme il l'aurait fait il y a quelques heures à peine, il leur fit face.
Il trouva leurs mouvements étonnement lents et de plusieurs coups de griffes bien précises, il les découpa tous en plusieurs morceaux.
Il entreprit immédiatement après l'ascension de ce sinistre enchevêtrement de corps.
Désormais aussi agile qu'un singe, il arriva sans grande difficulté au sommet.
Il était là.
Il l'attendait.
"Tu m'as trouvé.
Ta nouvelle apparence m'apprend que tu t'es trouvé aussi.
Viens à moi maintenant et soumets-toi à ta seul et unique raison d'être.
- Alexandra, où est-elle ?
- Oublie ton ancienne vie et embrasse ta nouvelle existence.
Ta femme n'est plus et l'homme que tu étais non plus."
Ivre de colère, Julien hurla.
Son corps tout entier devint écarlate, deux excroissance déchirèrent son cuir chevelu et une longue queue s'immisça à l'intérieur de son pantalon.
Il se jeta d'un bond sur cet être diabolique et le réduisit en miettes.
A peine eut-il le dos tourné qu'une poigne puissante le saisit au cou et le souleva comme s'il n'était rien.
Julien se débattit en vain car la main resserrait son étau de plus en plus fort.
Pour finir, il fut projeté à terre avec une violence inouïe. Il s'enfonça dans cet océan de cadavre et s'y noya.
A l'instant précis où il perdit connaissance, il se réveilla.
L'eau du bain avait ce goût métallique si caractéristique du sang.
Il crâcha et éclaboussa les paroies de la baignoire de gouttes rougeâtres.
Sa vision était encore trouble. Son thorax le brûlait, comme si ses poumons allaient exploser.
Il avait rêvé...encore une fois.
Seulement cette fois-ci, il avait bien faillit se noyer.
Les yeux encore rougis par cette immersion accidentelle, il chercha au hazard sa serviette et se couvrit la tête.
Le corps endolori, il se redressa difficilement.
Puis, l'horreur, le cauchemard prenait vie dans son monde éveillé. Devant la glace, le flou se dissipait peu à peu et le contour de son visage lui apparut.
Un monstre.
Plusieurs minutes passèrent et il sortit enfin de la salle de bain. Il arriva dans le salon et devant le désordre qu'il avait mis plus tôt, les souvenirs affluèrent à toute vitesse sous la forme de multiples flashs.
Un rictus de haine déforma son visage.
Puis, dans un grand éclat de rire, il brisa la fenêtre et se réfugia sur les toits. La lune jouait avec les nuages, ainsi, il n'était plus qu'une ombre.
Telle une immondice, il descendit dans les égoûts et d'instinct ou par goût de vengeance, se retrouva sur les quais de la Garonne.
Un énorme rats traversa la piste cyclable devant lui.
Les rats...abjectes créatûres de la nuit rejetées, détestées, nuisibles...valait-il désormais autant qu'eux ?
Qu'importe, ces pensées ne lui traversaient même pas l'esprit ; une seule chose prédominait maintenant: la vengeance.
Rien de tout celà ne serait arrivé sans le masssâcre perpétré par cette engeance décadente et si cruelle...les Hommes.
Cette expédition punitive commencerait donc à l'endroit précis où tout a commencé.
Des chants.
Une bouteille de Téquilla se brisa sur un mur.
Des rires et des insultes fusèrent à quelques mètres de Julien.
Dans moins de dix secondes, ils seraient aussi silencieux que pouvaient l'être ces tessons.
Enfin à sa portée, les quatre jeunes n'eurent que le temps d'entendre un râle malsain et furent décapités, démembrés, éviscérés quasiment tous en même temps.
Enfermé dans sa frénésie meurtrière, il poussa le morbide jusqu'à ingérer plusieurs morceaux de chairs arrâchés ça-et-là.
Toute conscience humaine s'était évaporée, il n'était plus qu'un démon assoiffé non plus de vengeance mais de meurtres.
Au delà de ça, il y avait à présent ce plaisir de tuer.
Sans même s'en rendre compte, il poussa un hurlement empreint de colère qui se répercuta tout le long des quais.
Alertées par ce vacarme, plusieurs personnes arrivèrent de toutes parts; Julien plongea.
Des cris puis des sirènes policières se firent entendre, mais il était déjà bien loin pour s'en préoccuper.
Etrangement, son nouvel organisme lui permettait de respirer sous l'eau, celle-ci s'évacuait par les pores de sa peau. Ainsi, le liquide n'opposait aucune résistance, il faisait corps avec lui et lui permettait de garder la même vitesse de déplacement aussi bien dans l'eau que sur la terre ferme.
A quelques kilomètres du Pont de Pierre, se trouve sur la Garonne, une petite île appelée l' Ile d' Arcins, c'est là qu'il se dirigea.
Ne pouvant plus, de par son apparence, retourner chez lui, cet endroit isolé et à l'écart de tous était la retraite idéale pour se cacher.
Finalement rasséréné, il explora cette petite île et fit connaissance avec la faune locale. Celle-ci ne lui poserait à-priori pas de problème, le lieu abritant seulement des ragondins et une quinzaine de grues.
Ayant pris soin d'en déloger ses locataires, il s'endormit dans un terrier fait de branchages et de mousse.
A peine les yeux clos qu'il entendit une petite voix fluette presque inaudible.
"Je t'avais dit de ne pas y aller mais tu ne m'as pas écouté."
Il ouvrit les yeux et chercha d'où pouvaient provenir ces murmures.
L'île était déserte.
Irrité, il quitta son repère et se dirigea machinalement vers les quais de Paludate.
Toujours cette effervescence, ce vacarme et ses ivrognes.
Si la quiétude de l'île l'avait calmé, l'ambiance alcoolisée et droguée de ces boîtes de nuit avait en revanche ravivé son instinct de prédation.
Un cri le fit sursauter, une prostituée venait de le voir.
Il fallait la faire taire.
Julien se jeta sur elle mais avant même de pouvoir la mettre en pièce, un attroupement s'était formé autour de lui.
La lâme de plusieurs couteaux étincela dans la nuit.
L'union faisant la force, ils se jetèrent sur le démon qu'il était devenu mais aucun n'était parvenu à le toucher.
Devant les yeux horrifiés de la donneuse de plaisir, il dévora ses assaillants.
Il se tourna vers elle et sourit.
Puis, d'un bond, se retrouva à quatre pattes sur elle.
Sous le choc, un sein sortit de son corset bien trop étriqué.
L'apparition de cette poitrine ainsi mise à nue stoppa la main qui s'apprêtait à vider ce corps de ses entrailles.
Il déposa ses longs doigts sur ce sein et le caressa doucement, intrigué.
D'un seul coup, la jeune femme hûrla.
Surpris, il resserra ses doigts et lui arrâcha cette masse graisseuse qui implosa dans sa main.
En quelques secondes, il avait refoulé cette once d'humanité qui venait de réapparaître en lui, à cause d'un cri.
Ca y est, il ne voyait plus une femme en face de lui mais un morceau de viande. Il s'acharna sur cette poitrine, qui avait fait remonter en lui un douloureux souvenir, et des deux mains, extirpa la cage thoracique qui renfermait ce coeur dont il ne voulait plus dans la sienne également.
Des lumières clignotantes bleues au loin lui indiquaient qu'il était temps de laisser son buffet "urbain" aux rats et autres blattes.
Il repartit sur son île.
Ne s'étant, de fait, toujours pas reposé, le sommeil le gagna sitôt le premier pied posé sur la terre ferme.
Il se réveilla lentement, la fatigue n'ayant plus son mot à dire.
Stupeur, Julien n'était plus sur l'île d' Arcins.
La pénombre, importante, l'empêchait malgré sa vue désormais acérée de voir à plus de deux mètres devant lui; cependant, il savait qu'il n'était plus sur l'île car le sol n'avait plus cette consistance boueuse et froide.
"Regarde ce que tu es devenu."
Il tourna sur lui même, donnant des coups de griffes dans le vide mais n'accrôchait rien.
Pourtant, ces paroles lui étaient chuchotées à l'oreille à quelques centimètres de lui.
Comment pouvait-il râter cette personne si prôche de lui ?
Pas très loin, une très faible lueur apparut.
Sitôt rendu sur place, il aperçut des reflets argentés devant lui...c'était des dents.
Sa vue s'habituant peu à peu à l'obscurité, il vit, mais malheureusement trop tard, que son adversaire possédait également de puissantes griffes.
Il avait eu tout le flanc gauche balâfré.
De nouveau, il s'évertua à frapper au hasard mais encore une fois, il fut lacéré.
Ce coup-ci, c'était son visage qui avait été visé.
La douleur était atrôce.
Il était complètement désorienté, les coups pleuvant sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit.
Puis, d'un seul coup, tout s'arrêta.
La pièce s'éclaira entièrement et tout autour de celle-ci, des miroirs étaient disposés sur les murs.
Plus inquiétant encore, aucune trâce d'un quelconque ennemi.
Seule se reflétait dans ces miroirs l'image d'un monstre misérable, le corps abîmé de toutes parts et le visage en lambeaux.
"Vois ce que tu es devenu.
- Qui me parle ?
- Sors de ma tête !
- Tu en es donc arrivé jusqu'à oublier le son de ma voix. Triste créatûre pathétique que voilà. Où se trouve celui que j'ai aimé ?
Celui qui pour me retrouver à, tel Orphée, traversé les Enfers ?
- Alex ?
Non ! Alexandra est morte, je l'ai laissé mourir !
- Tu ne pouvais rien y faire, mon destin était de mourir ce jour-là, c'est tout.
Quelle plus belle preuve d'amour pouvais-tu me donner que celle qui t'as vu traverser mille périls pour me retrouver ?
Tu as souffert plus que n'importe qui en ce monde mais désormais, accepte de redevenir mon Julien, celui que j'aimais et que je n'oublierai jamais."
Il se mit à genoux et prit sa tête entre ses mains.
Il ne savait plus.
Sans pouvoir les retenir, les larmes affluèrent sur ses joues meurtries.
Soudain, une chaleur intense se fit sentir dans son dos, Alexandra venait d'apparaitre derrière lui et serra son corps contre le sien.
Elle posa la tête sur celle de Julien et enlaça son aîmé.
Il aurait voulu rester dans cette position le restant de sa vie.
Même s'il ne la voyait pas, son contact suffisait à le rendre serein.
Tout à coup, tous les miroirs éclatèrent en même temps.
Alexandra fut soulevée du sol par une force invisible.
Julien se retourna et enfin IL lui apparut pour la deuxième fois.
Cependant, sa taille était gigantesque et il tenait Alex dans son énorme main.
Elle hûrlait.
Les morts pouvaient souffrir, il le savait depuis son éprouvant périple.
Malgré les innombrables blessûres qu'il s'était infligées, il bondit en direction de ce monstre démoniaque mais fut balayé d'un revers de main.
Sa femme criait encore et encore, ses hpurlements étaient intolérables.
Pourtant, au milieu de ces sanglots, Julien entendit distinctement les pensées de son aîmée qui lui intimait de se calmer, de ne pas devenir colère ni haine.
Il lui fallait accepter, malgré l'horreur de la situation, le fait qu'Alexandra ne reviendrait pas.
Il ferma les yeux et n'entendit plus que les pensées rassurantes de son épouse.
Il revoyait à présent les images de son bonheur passé.
Ces larmes dont il avait été jusqu'à oublier leur existence, coulèrent le long de ses joues.
Machinalement, il tendit les bras en direction d'Alex.
Elle s'enfonça dans la paume du démon et réapparut de l'autre côté.
Son corps flottait au milieu des volutes de fumée que dégageait le corps du géant.
Elle se posa tel un pétale de rose sur l'eau, dans les bras de son époux redevenu homme.
Du plat du pied, l'immense créatûre diabolique écrasa les deux amants qui passèrent au travers comme si celui-ci n'avait pas plus de consistance qu'un nuage.
Son corps entier devînt translucide et enfin, dans un cri de râge, il disparut.
Sans prêter attention à ce qui venait de se passer, ils s'embrassèrent.
Lorsque le curé leur avait demandé de s'aimer jusqu'à ce que la mort les sépare, savait-il qu'il se trompait ?
La mort ne sépare pas les amoureux. Julien le savait à présent, Alexandra l'attendrait.
Quand il ouvrit enfin les yeux, elle n'était plus là mais curieusement, il la sentait, elle était là, près de lui.
Il se releva et à présent, une seule chose importait... comment quitter cette satanée île ?!