L’aube
Une pointe de soleil tente de percer le ciel tourmenté qui déchire les crêtes enneigées. La nuit a porté des nuées froides qui disparaissent en volutes pâles dans cette aube glaciale. Derrière elles, toujours de profondes traces qui rappellent le vent, qui transcendent l’étreinte.
Là-haut, où dansent encore les dolmens des géants légendaires, sur les cimes les plus acérées, le majestueux rapace se repose enfin, fier et si fragile. Sa proie s’est doucement blottie pour partager les derniers moments de l’abandon. Elle écoute les bruissements inconnus et n’aspire qu’au vertige. Se perdre, mais se perdre toute entière, sans retenue. Sa proie ? Non, non, seulement la volonté de se livrer, et tant pis, si elle a, à un moment, tout saccagé. Elle s’est offerte à son si beau prédateur. Des regrets ? Bien sûr ! Mais, au moins, son cœur bat et il suffit de s’endormir dans ce trouble de la vie.
Désormais, les vallées sont ouvertes. Domaines inconnus, un autre univers, infini. Derniers instants, les plus sublimes. Petit ange emporté. Bonheur, peur… Tant de sentiments mêlés qui altèrent la respiration. Petit ange consentant à la chute, franchissant les limites interdites, pour se recueillir dans l’immensité et ne plus penser qu’à lui.
L’aube revient toujours.