C’est un petit garçon qui, ce soir, a le regard au loin...
C’est un petit garçon qui a le regard au loin car il regarde à l’intérieur de lui-même.
On est toujours un petit enfant quand on regarde son âme.
C’est un petit garçon trop tôt devenu adulte et pourquoi ?
Parce que c’est un petit garçon qui a vu avec son coeur, qui a senti avec son âme des choses que seuls les adultes connaissent.
Mais lui, même si il ne comprend pas tout, il sent, il ressent de la tristesse autour de lui.
Et comme il ne reçoit pas de gestes de tendresse, il croit que c’est sa faute.
Il croit qu’il a été un méchant garçon, et que c’est pour çà que ses parents sont malheureux, c’est pour çà qu’il n’a pas droit aux câlins, c’est pour çà que maman crie, c’est pour çà que papa part...
Il voudrait tellement faire bien, il voudrait tellement que ses parents soient fiers de lui.
Mais il n’y arrive apparemment pas, car ses parents, sont toujours aussi tristes, sa maman crie toujours plus fort et son papa part toujours plus longtemps.
Il a compris, papa et maman ne s’aiment plus... Ou bien... Ne se sont-ils peut-être jamais aimé... Ou peut-être que seule maman aime papa et c’est pour çà qu’elle est triste et qu’elle crie aussi.
Elle n’a pas le temps d’aimer son petit garçon car elle passe son temps à vouloir continuer d’aimer son mari.
Et son papa est malheureux aussi, il ne dit rien, mais çà se sent... Et si papa reste, c’est parce qu’il aime son petit garçon.
C’est donc sa faute si papa est malheureux alors...
C’est dur pour le petit garçon, il aimerait tant que ses parents s’aiment beaucoup, à la folie, pour de vrai, çà déborderait tellement d’amour que lui aussi il pourrait être aimé beaucoup, à la folie, pour de vrai.
Puis, le petit garçon est doué, il est doué pour le cyclisme et c’est magique, car quand il va à ses compétitions son papa et sa maman viennent ensemble le voir. Ils sont tellement beaux ensemble ! Un vrai couple, une vraie famille !
Et grâce à lui !
Peut-être... Peut-être espère-t’il qu’ils vont finir s’aimer à nouveau si ils restent ensemble à regarder leur fils.
Ils ont enfin quelque chose en commun !
Hélas, cette chose en commun n’est rien d’autre que de la fierté pour leur fils, mais ce qu’espèrait le petit garçon, l’amour, lui, tarde à revenir.
Puis il grandit... Il porte sur ces petites épaules la responsabilité du bonheur de ses parents, toujours.
Il excelle dans le cyclisme avec toujours des “peut-être que...” dans sa tête.
C’est dur de comprendre les adultes.
Comme par exemple, pourquoi la maman de son copain s’est comporté comme çà ?
La vie est tellement remplie de pourquoi...
Pourquoi alors qu’elle lui demandait de l’aider à aller chercher des bonbons pour l’anniversaire de son fils, pourquoi elle l’a amené dans cette chambre ?
Et pourquoi il s’est laissé faire alors qu’il avait peur ? Et pourquoi il s’est senti coupable ? Et pourquoi il n’a rien dit ? Et pourquoi...
Peut-être parce que c’était un vilain garçon... Peut-être...
C’est un adolescent maintenant, il comprend plus de choses, c’est plus clair pour lui, mais il ne préfère ne pas les exprimer, il ne préfère ne pas y penser, c’est un secret, tout devient un secret pour lui, chaque sentiment qu’il ressent, chaque émotion qu’il peut avoir, c’est secret.
Parce dans sa maison il y a aussi des secrets... Des secrets qui crient pourtant, des secrets qui hurlent aux oreilles de l’enfant.
Alors il veut se boucher les oreilles, il veut se boucher le coeur, il veut pas entendre ses secrets.
Alors il monte un mur, un mur anti-bruit contre ses secrets.
Pierre par pierre, sa forteresse prend forme... Jusqu’au jour où une petite fille lui tombe dessus.
Oh elle n’est pas si petite, c’est une adolescente aussi mais dans son coeur, elle est une enfant encore.
Et dans son âme, il la reconnait, comme elle l’a fait auparavant, c’est son double, c’est son autre... Ils ont les mêmes douleurs... Pas vraiment les mêmes vécus mais tellement similaires.
Ils se comprennent sans dire un mot... Pourtant Dieu sait pourtant qu’elle parle !
Mais pour ce qui est de l’âme, ils n’ont rien à dire.
Elle sent qu’il est malheureux, ne connait pas la cause et voudrait l’aider, elle sait qu’il faut qu’il parle.
Il a arrêté de bâtir son mur contre les secrets mais n’arrive quand même pas, à enlever les pierres déjà mises.
Surtout que pour elle, il fait moins de vélo, et donc ses parents ne se retrouvent plus ensemble... Il perd le contrôle. Et çà le déroute...
Quel choix doit-il faire ? Continuer à espérer pour ses parents ou détruire son mur de douleur et tomber dans les bras de son âme soeur ?
Son père a des principes, il a un honneur, celui de la famille avant tout, quitte à s’oublier lui-même. Quitte à s’enfermer dans un rôle qu’il se doit de tenir, quitte à mentir aux yeux de tout le monde, quitte à se mentir à lui-même...
Alors il fera comme lui... La famille avant tout... Et d’ailleurs il lui dit un jour, à son autre, un jour où son coeur pourtant, était déchiré, il lui dit “Cela ne te regarde pas mes soucis, tu n’es pas de ma famille”...
Et pourtant il ne comprend pas alors qu’elle s’éloigne de lui... Il ne comprend pas qu’elle parte avec un autre... Il ne comprend pas qu’il lui a fait mal, très mal, alors que pour elle, il était plus que sa famille, il était son âme.
Alors, il continue de monter son mur, désespérément, il s’enferme et pratique ce qu’il connait autour de lui, le mensonge, la cachoterie... Il tombe dans un gouffre et son mur n’est donc que plus haut.
Elle reviendra vers lui, cette âme soeur, mais derrière son mur, il ne l’entend qu’à peine, il est partagé par cet amour qu’il ne peut oublier et par le ressentiment que son départ a engendré.
Il ne sait plus pourquoi... Il ne sait plus qui il est... Il ne sait plus ce qu’il fait.. Il sait juste qu’il ne peut l’oublier, que même si il va la voir remplie d'animosité, il ne peut résister à son âme soeur et tombe dans ses bras comme elle tombe dans les siens...
Jusqu’au jour... Jusqu’au jour où destin fatal, il se retrouve dans la même situation que son père des années auparavant...
Une situation qui lui fait prendre la même voie que son père, celle de l’honneur, celle de la famille... Et décide donc de rayer son âme soeur de sa mémoire et renforce son mur pour ne plus entendre ses cris d’amour, ses cris de détresse...
Et il a grandi... Son mur est devenue une forteresse. Il semble plein de certitudes, en tout cas, il le fait croire, il arrive même à y croire lui-même...
Jusqu’à ce soir... Ce soir, où il est redevenu le petit garçon qu’il était.
Et pourquoi ?
Parce que son âme soeur est revenue et que d’un coup de pichenette, elle a ébranlé la forteresse, elle a créé une brêche et l’interpelle au travers.
Elle lui dit de se rappeller de celui qu’il est, que c’est cet être-là le plus beau.
C’est celui-là qu’elle n’a jamais cessé d’aimer.
Et que c’est celui-là qui mérite de vivre heureux et libéré surtout.
Libéré du poids de son passé, libéré de ses culpabilités mal placées, libéré du fardeau des mensonges à lui comme ceux de sa famille.
Elle veut qu’il vive en paix avec tout çà, car il est toujours ce bon petit garçon qui a grandi trop vite.
Car elle est là pour le comprendre, car elle sait, car elle connait, car elle ne veut, car elle ne peut plus vivre sans lui au moins un peu dans sa vie, même l’ombre d’une pensée.
Car il est sa moitié, quand elle, elle est à la moitié de sa vie.
Alors il est là, aujourd’hui, assis au bord de ses souvenirs et il pense... Il pense... Mais à quoi ?... Le sait-il lui-même ?