J'ai écrit ce texte, une nuit, sans brouillon, sans vouloir faire d'effet de style, ni rien d'autre.
Ce sont des mots qui ont coulés au fil de ma plume, au fil des mes pensées, sans doute avaient-ils besoin de sortir.
Je les retrace là, car... En fait je ne sais pas...
J'ai toujours ressenti comme un poids d'abandon.
Un sentiment d'être en trop, de ne pas devoir être ici.
J'étais une balle de ping-pong qu'on se renvoyait.
Une balle que personne ne voulait dans son camp, mais que pour les apparences, on fait croire qu'on la veut.
Je sais que ma tante m'a aimé comme une mère, oui... mais pas comme la mère qu'elle est devenue avec sa propre fille.
Je ne peux pas lui en vouloir, même si je l'ai ressenti et en ai souffert.
Je lui en veut juste de ne pas le reconnaitre, comme je n'en veux pas à ma mère de ne pas avoir voulu de moi.
Je lui en veux juste de ne pas, se et me l'avouer.
De tous mes "parents", étrangement celui qui m'a fait le plus ressentir son amour "inconsciemment", c'est mon oncle Michel.
Paradoxalement, il a été le plus dur avec moi, j'ai eu une éducation
stricte, mais je l'en remercie, et il m'a donné l'éducation que lui-même
avait reçue.
J'ai senti de l'amour, beaucoup d'amour venant de lui et de ma tante
mes six premières années, puis l'amour n'est pas parti, mais j'ai vu
qu'ils pouvaient tous les deux aimer plus encore... leur propre fille.
Cette enfant inespérée, miracle de leur vie, début de ma solitude.
L'amour n'était pas parti, mais l'intérêt à mon égard, oui.
Mon oncle à été dur moralement pour m'éduquer.
Ma tante au contraire, prenait ma défense par rapport à lui, peut-être
afin de dissimuler sa culpabilité de m'aimer moins que sa fille.
Je n'ai pas aimé cette enfant qui prenait ma place dans mon lit, celui de ses parents et celle dans leurs cœurs.
Je l'ai, sans le vouloir, faite souffrir par mon recul vis-à-vis d'elle.
Elle jouait les provocatrices, m'agaçait secrètement car elle préférait sans doute ma colère à mon indifférence.
Elle confirmait sa suprématie sur ses parents quand ils me punissaient,
préférant croire leur innocent bébé aux larmes de crocodile.
Je me suis sentie dès lors seule, incomprise, mal-aimée.
Je me rattachais à des livres, à des rêves, aux chansons d'un chanteur blond.
Les fausses batailles entre ma mère et ma tante me laissaient un goût amer. Les effusions d'amour hystérique de ma mère me glaçaient le cœur. Le regard triste de ma tante me cédant à sa sœur me le brisait.
Le peu de fois où ma mère a voulu me "récupérer" comme elle disait,
j'ai vécu des expériences qu'une enfant ne devrait pas connaitre.
Oh rien de réellement irréversible, mais des choses qui tachent la
pureté d'une enfant, qui la rendent sale, meurtrie, coupable et
silencieuse.
Tant de sentiments qui donnaient envie de ne plus être en vie.
A l'adolescence, ma tante m'avait "récupéré" à son tour.
Ma cousine était plus odieuse de jour en jour.
Le seul plaisir que je retirai était le piano du salon, celui que
l'enfant négligeait, sauf quand je commençais à sortir des notes qui
déclenchaient l'admiration de ses parents. Soudainement, alors,
uniquement, elle se décidait à faire ses gammes.
Me sortant du piano, alors que moi j'aurais voulu en faire.
Mon oncle toujours aussi strict et pourtant si doux et permissif avec sa fille, se mit à rire à mes dépends...
Peut-être que ma transformation en femme, l'effrayait, il tournait à la
dérision, au ridicule, la moindre de mes attitudes et particularités de
"l'âge bête".
Alors quand ma tante commença à me "laisser" chez sa mère, ma
grand-mère, la seule de toute ma vie à m'avoir toujours prouvé et dit
son amour de manière pure et sans arrière pensée, alors j'étais
soulagée.
Loin d'une mère qui ne voit en vous que le miroir de sa propre
jeunesse, ni l'amour coupable d'une tante et celui d'un oncle désemparé.
Soulagée de cela mais vide de désirs, réalisant le poids que j'étais pour tous.
Une enfant venue sans désir, délaissée à la venue d'une autre enfant, à
la responsabilité de sa grand-mère, malade du cœur, dormant avec elle
dans une pièce avec pot de chambre.
Un soir, j'ai écrit une lettre à tous ceux que j'aimais, sans haine, sans
amertume, leur disant que je voulais qu'ils soient tous présents à
l'église devant mon cercueil pour le baisser de rideau de ma vie.
J'ai pris les médicaments en stock de ma grand-mère, prenant garde tout de même de lui en laisser, et je les ai avalés.
Pas de peur, pas de pleurs, pas même de lassitude, juste l'envie
d'éteindre les lumières de ma vie qui ne brillaient pas dans mon ombre
permanente.
Au matin, je me suis réveillée, déçue, j'ai déchiré la lettre et je
suis partie en cours, restant l'ombre que j'étais, même pas une ombre,
invisible, transparente.
Puis un ange est arrivé, cette prof de français, à l'humour grinçant et
ironique, elle a éclairée ma vie de sa bonne humeur, de son sens de la
dérision. Elle m'a fait exister d'abord par mon rire à ses blagues et
ensuite par les jeux de scènes que nous faisions en cours. J'existais,
je faisais rire et l'on commençait à m'aimer.
Malgré la mort de son mari, elle est revenue toujours aussi belle dans son manteau d'humour ou j'aimais me blottir.
Elle m'a appris à vivre mieux que quiconque. Cette femme a éduqué ma vie future.
J'allais vivre pour le rire et le meilleur.
Hélas, je crains que les clowns ne cachent tous qu'un acteur sans vie dès que les projecteurs s'éteignent.
Et l'on reste avec la sensation d'abandon de cet amour que l'on vous avait donné car vous aviez fait rire.
Mais l'acteur celui qui termine son rôle, celui-là, le vrai, l'aime-t'on ?
Je crois qu'on l'oublie dès que les rires s'éteignent.
Ou bien on l'aime par humanité, comme un doudou que l'on retrouve usé, 20 ans après.
Y'a-t'il quelqu'un capable d'aimer l'artiste sans fard ?
Abandonnée par sa mère, ses parents adoptifs, les hommes de sa vie, et même sa fille maintenant.
Elle-même ado, qui part vers d'autres horizons reniant la mère qui n'a vécu que pour elle et par elle.
Mais elle ne reproche pas cela à sa fille, elle trouve cela normal, celle
qui ne mérite pas de rire, elle qui ne mérite pas d'exister, cette
pauvre enfant toujours en trop.
Petite dédicace et pensée à Mme Batbedat, professeur au grand cœur.