Dernier espoir
Il attendait, immobile, tel une statue de marbre innommable figée par les ans. Il regardait l’océan qui s’étendait devant lui, calme, avec des rides de rires sous la brise matinale. Le soleil montait déjà à l’horizon, solitaire encore et toujours.
L’homme s’était levé tôt ce matin là. Il voulait se retrouver en tête-à-tête avec cet horizon une toute dernière fois. Revoir ce ciel qui ne serait jamais à lui, revoir ces oiseaux dont il n’aurait jamais la liberté, revoir cette mer à laquelle il enviait son tempérament… Revoir une toute dernière fois tout cela, ressentir une dernière fois un semblant de liberté pour ne rien oublier. Jamais.
Devant ce paysage, il avait l’air triste, pâle et abandonné…désespérément seul. Lui savait que c’était faux, il savait aussi qu’il devrait bientôt quitter ce pays- le seul qu’il ai jamais eu- pour toujours. Alors il observait les falaises et les embruns, les îles et l’écume… Il gravait ces images pour tout garder avec lui, où qu’il aille.
Dans quelques instants, il ne serait plus seul sur l’herbe qui s’étendait sous ses pieds. Ce moment privilégié était unique. Il s’en rendait compte désormais qu’il avait manqué de nombreux moments comme celui-ci dans sa vie. Qu’avait-il fait ? Rien sans doute. Qu’aurait-il pu faire après tout ? Les évènements l’avaient entraîné loin de ses rêves, ne lui laissant aucun espoir, aucune échappatoire…
Brillant avocat, marié avec une femme magnifique, ayant deux beaux enfants, il était considéré comme chanceux et beaucoup l’enviaient. Il ne se sentait pas du tout chanceux. Il n’avait jamais souhaité tout cela. Enfant, il voulait être peintre. Adolescent, il voulait aller aux Beaux-Arts. Ses enfants lui étaient tombés dessus et, prit par ses obligations, il s’était marié. Sa vie était faite de hasards et de malchance.
Soudain, il entendit des petits pas courir vers lui. Il se retourna, vit une petite fille essoufflée qui venait à lui, tout sourire :
- Papa !
Il la reçut dans ses bras, la souleva bien haut sur le ciel bleu et lui sourit.
Qu’était-ce, en fait, de perdre ce ciel, ces oiseaux, cet océan, s’il gardait ce petit trésor ? Peut-être tout, peut-être rien… Il avait déjà oublié la réponse que lui avait soufflé le vent à l’oreille. Tout ce qui importait à cet instant, c’était l’avenir de cette petite fille dont il était le père. Il veillerait à ce qu’elle ait l’avenir qu’elle souhaiterait.
Et sous le soleil désormais haut dans le ciel, il prit la petite main dans la sienne et prit la direction de leur maison qu’ils quitteraient bientôt.