Hier avec mes élèves de première L, nous avons lu des poèmes pour montrer l'évolution de cet art du milieu du XIXème s à 1939 et nous avons fini sur un poème d'André Breton qui nous a laissés sans voix ( et je peux vous dire que des élèves qui restent sans voix, c'est rare!)
Toujours pour la première fois
C'est à peine si je te connais de vue,
Tu rentres à telle heure de la nuit
Dans une maison oblique
A ma fenêtre
Maison tout imaginaire
C'est là que d'une seconde à l'autre
Dans le noir intact
Je m'attends à ce que se produise une fois de plus
La déchirure fascinante
La déchirure unique
De la façade et de mon coeur
Plus je m'approche de toi
En réalité
Plus la clé chante à la porte de la chambre inconnue
Où tu m'apparais seule
Tu es tout d'abord tout entière fondue dans le brillant
L'angle fugitif d'un rideau
C'est un champ de jasmin que j'ai contemplé à l'aube
Sur une route des environs de Grasse
Avec ses cueillettes en diagonale
Derrière elles l'aile sombre tombante des plans dégarnis
Devant elles l'équerre de l'éblouissant
Le rideau invisiblement soulevé
Rentrent en tumulte toutes les fleurs
C'est toi aux prises avec cette heure trop longue
Jamais assez trouble jusqu'au sommeil
Toi comme si tu pouvais être
La même à cela près que je ne te rencontrerai peut-être jamais
Tu fais semblant de ne pas savoir que je t'observe
Merveilleusement je ne suis plus sûr que tu le sais
Ton désoeuvrement m'emplit les yeux de larmes
Une nuée d'interprétations entoure chacun de tes gestes
C'est une chasse à la miellée
Il y a des rocking-chairs sur un pont il y a des branchages
Qui risquent de t'égratigner dans la forêt
Il y a dans une vitrine rue Notre-Dame-de-Lorette
Deux belles jambes croisées prises dans de hauts bas
Qui s'évasent au centre d'un grand trèfle blanc
Il y a une échelle de soie déroulée sur le lierre
Il y a
Qu'à me pencher sur le précipice
De la fusion sans espoir de ta présence et de ton absence
J'ai trouvé le secret
De t'aimer
Toujours pour la première fois
Clair de Terre.
Evidemment j'avais choisi un garçon de la classe avec une belle voix grave pour nous faire cette lecture. Toutes les filles étaient en pâmoison. Et je savais qu'il allait entrer dans ce poème parce que je le sens très amoureux d'une fille de terminale. Pari gagné: nous avons vécu un instant magique.