A l'aube les chimères. Sur une voie sacrée veille la coupe d'ambre*,
Des palais pourpres accrochés à la montagne,
La flamme d'un cyprès se déchaîne, se cambre
Je marche, confondue, dans des noroîts folets
Des lotus* meurent près d'un portail d'émeraude*
Une aubade secrète, lente, m'accompagne
Une voix ténue se rebelle et me taraude... A l'aube les chimères se dissipent
Au tréfonds de moi gîte un guetteur clairvoyant :
Dans mes univers à la course fugitive
Il capture l'âcreté du brasier tournoyant,
La mer d'écume acide et l'ombre affadissante
Cet alchimiste transforme les peurs du jour
En Odyssées nocturnes ou j'erre, captive,
Sans trouver la clef de cet angoissant séjour
Un visage cruel grimace au bout d'un pieu
Des glaires putrides coulent comme une lave
Des viscères palpitants flottent au milieu
Je m'enfuis, éperdue, sous des cieux violets
Sertis d'étoiles vertes de vase puante
D'un torse tombent des os que la mort délave :
Des blattes sucent le sang d'une plaie gluante A l'aube les chimères se dissipent,
Les gnomes* regagnent leur caverne obscure
Mais résonne toujours le tumulte infernal,
L'épouvante s'agripe aux éthers et procure
Une saveur acide à la paix renaissante
Pourtant il me faut garder cette trace encore,
Décrypter le rituel de ce baccahanal,
Saisir son message qu'entunique l'aurore
Des formes s'élèvent dans la chaleur humide
Une odeur vient, alguée, sauvage, primeraine
Le trouble qui m'étreint me force et m'intimide :
Je m'effondre, tendue, proie de plaisirs follets
De subtiles voluptés dans ma chair éclosent
Mes désirs tressaillent de douleur souterraine
Dans mes veines tous les crépuscules explosent A l'aube les chimères se dissipent,
Une langueur transperce les brumes du rêve :
Des amours d'autrefois résonnent pour mourir,
Dans ma mémoire leur jouissance s'achève
Restent la faim acide et la soif incessante :
Des frissons inconnus dans mon âme s'ébauchent,
Je sens des ardeurs nouvelles me parcourir,
Des vagues profondes naissent et me débauchent...
Août 94, Novembre, Décembre 06.
Saint Nizier, Lyon.
* : L'ambre représente le fil psychique reliant l'énergie individuelle à l'énergie cosmique, l'âme individuelle à l'âme universelle. Il symbolise l'attraction solaire, spirituelle et divine.
* : La fleur symbolise le principe passif, son calice est le réceptacle de l'activité céleste : la pluie, la rosée... Son développement à partir de la terre et de l'eau symbolise celui de la manifestation à partir de cette même substance passive.
Le lotus qui éclôt sur des eaux troubles et stagnantes avec une perfection si sensuelle et souveraine, figure la toute première apparition de la vie sur l'immensité neutre des eaux primordiales.
* : L'émeraude est une expression du renouveau périodique et donc des forces positives de la terre, un symbole de printemps, de la vie manifestée, de l'évolution.
* : Les gnomes, venus du Monde Souterrain auquel ils restent liés, symbolisent les forces obscures qui sont en nous, ils personnifient les manifestations incontrôlées de l’inconscient.