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 Topinambours et rutabagas

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Oncle Ben
plume d'Albatros
Oncle Ben


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Topinambours et rutabagas Empty
MessageSujet: Topinambours et rutabagas   Topinambours et rutabagas Icon_minitimeMer 23 Jan - 18:12

TOPINAMBOURS ET RUTABAGAS



Souvenirs confus de prime enfance, temps de guerre. Des flashs seulement, des flashs remontent.



A 2 ans au plus, 1940, quitter Paris pour la Bretagne : Routes bondées, voitures surchargées, matelas sur les toits. Vieilles guimbardes souvent en panne, ou renversées dans le fossé. Des soldats hagards, presque en guenilles, parfois encore en uniforme, ou même portant un fusil, éparpillés sur les routes de campagne. Se frayer un chemin ; soudain panique ; vrombissements d’avions, ennemis évidemment ; vols en rase-motte, pétarade interminable des mitrailleuses ; soldats perdus et en déroute visés, nombreux civils tués, blessés. Un lourd silence : soudain des pleurs des cris. C’était l’exode.



Nous arrivons enfin à St Marc, près de Pornichet ; nous nous installons avec ma mère dans une maison isolée ; pourquoi St Marc, je ne sais plus. Mon père repart très vite pour son travail à Orléans, dans une usine réquisitionnée par les Allemands, forcément. Principal souvenir : une immense solitude et un interminable ennui, pas un bruit. Un flash tenace : les jours de pluie, regarder de la fenêtre de ma chambre des gouttelettes d’eau descendre sur les fils électriques reliant 2 énormes poteaux et en arriver à les compter inlassablement. Mais nous étions à l’abri, et pouvions manger à notre faim.



Retour à Paris en 1943 ; les allemands occupent la capitale. J’avais 5 ans déjà.

Topinambours, rutabagas, c’est ce que nous mangions au cours des repas ces noms bizarres n’ont pas quitté ma mémoire ; cartes de rationnement, marché noir, permettant de se procurer du lait, du beurre, des œufs à des prix exorbitants.

Un jour les allemands se sont installés dans le lycée jouxtant notre immeuble : on pouvait les voir de la fenêtre de notre appartement dans leur uniforme vert caractéristique ; c’était peu avant la fin de la guerre ; la encore des souvenirs de peur : retentissement d’une sirène annonçant l’arrivée d’une escadrille d’avions : ma mère me réveille brusquement en pleine nuit, me revêt d’une couverture et nous descendons en hâte dans la cave ou nous retrouvons nos voisins transis, hagards, résignés. Cette fois ci ce sont nos alliés britanniques ; leur objectif détruire les usines Renault de Boulogne occupées par l’ennemi à moins de 2 kms de chez nous. Mais à cette époque pas de précision chirurgicale ; énormes erreurs de ciblage parfois de 3 kms : un immeuble très proche a été détruit : cela aurait pu être le notre.

Surprise, un beau jour les allemands quittent le lycée : je me souviendrais toujours du bruit des camions et des chars, remplis de soldats, l’air menaçant, les fusils braqués sur nos fenêtres, aux volets fermés. Très vite, le lendemain sans doute, d’autres soldats sont arrivés et ont pris possession du lycée : ils parlaient en anglais. Tout le monde est sorti dans la rue : immense joie, jour de liesse ; souriants, les jeunes GI ont distribué des chewing-gums et des gâteaux aux enfants et des rations militaires aux parents ?



Topinambours : plantes à tubercules comestibles ; rutabagas : sortes de choux-navets : drôles de noms pour des légumes. Heureusement que l’on pouvait en manger.

Difficile hélas, difficile de faire comprendre aux nouvelles générations combien la nourriture est précieuse et que même si elle trop abondante dans les pays, dits développés, elle ne doit pas être jetée machinalement aux ordures mais au contraire acheminée vers les peuples qui ont faim.
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