Le poilu d'Alfortville

Ma pauvre Louison, restée loin, rue Véron,
Je gis sous la bataille, dispersé par la mitraille,
Dans cette boue par milliers, nous mourons,
Un éclat d’obus comme seule médaille…

Notre Dame porte-lui ce dernier billet,
Car je ne pourrai plus écrire maintenant,
Sous cette terre, j’ai froid et je suis si laid,
La boue rendue rouge a souillé mon papier blanc.

Dis lui Notre Dame, combien à ses côtés,
J’ai connu le bonheur, quand du Port à l’Anglais,
Nous prenions le bac, timidement enlacés,
Nous promettant que rien ne nous séparerait…

Ma pauvre Louison, tu pleures, rue Véron,
Notre Dame n’a pas épargné ton destin,
De la crue de 1910 où la Seine t’a pris ta maison,
A ce jour maudit où pour moi c’est la fin.

Je ne verrai plus Alfortville et ses quais,
Où il était si doux de grandir.
Je ne verrai pas le pont du Port à l’Anglais,
Que j’avais commencé à bâtir…

Je repose là, tout au fond de la tranchée,
Sans avoir pu sécher mes larmes.
J’aimerai encore une fois, un dimanche de paix
Prier avec Louison à l’église Notre Dame…