à l'attention des plumes d'Alcyon

"43 ans. Comme chaque année il descendra le nombre de mètres qui correspondent à son nouvel âge. 43 mètres de profondeur qu’il atteindra seul. Il sait qu’une plongée en solitaire est très dangereuse, mais chaque mètre va avoir son importance. Chaque mètre doit le ramener à un instant de sa vie passée, une remontée dans le temps, ses souvenirs, jusqu’au palier de 43 mètres où il pourra souffler ses bougies.
Nous sommes une semaine avant le solstice d’hiver. Les vents se sont tus. L’alcyon, oiseau né de l’eau, être mythique, va revenir nicher dans le calme retrouvé. Les castagnoles savourent ces instants de répit, elles peuvent remonter vers la surface, cette frontière entre les deux mondes. Le banc vient contempler le lever d’un jour nouveau, mais une masse noire va troubler leur quiétude. Quel est donc cet être étrange qui s’enfonce dans les profondeurs ? Les petits poissons trop craintifs, partent se cacher dans les infractuosités des rochers. Tous, sauf une petite castagnole à la queue abîmée. Curieuse elle suit l’intrus, essayant de rentrer dans les bulles qu’il produit. Mais il s’enfonce trop bas. Elle ne peut plus le suivre. De regret elle s’en retourne vers le groupe.
Il a rejoint la mer et tend ses bras vers ces profondeurs abyssales. La plongée, l’oubli, il se sent dans son élément. Un banc de castagnoles l’accompagnent un court instant puis disparaît. Non il en reste une. Elle tourne autour du plongeur mais toujours à une certaine distance. Curieuse et craintive. Ce ballet dure un temps. Il continue sa descente. 30 mètres. 33. 36. 38. 40 mètres. Il y est presque…
Quelques instants plus tard, la petite castagnole voit l’intrus revenir. Il remonte vite, trop vite. Elle s’approche, toujours mûe par la curiosité. A travers la vitre du masque elle aperçoit ses yeux. Des yeux rouges, injectés de sang…

Premier roman de Pierre Brocchi, « La Nuit de l’Alcyon » est un voyage dans le temps, dans les souvenirs, mais aussi à travers le comté Niçois. Au fil des pages, l’auteur nous emmène des profondeurs au large de la baie de Cannes, à l’arrière pays, en passant par les rues de Nissa la Bella. Nous déambulons avec plaisir à travers les lieux, imaginant le couloir entre les îles de Lérins, orphelin des bateaux qui l’été s’y agglutinent, retrouvant le temps d’une saison son aspect naturel et sauvage. Nous sentons les odeurs du midi si présentes dans les proches montagnes. Nous redécouvrons, le temps d’une lecture, cette magnifique région que nous n’arrivons plus à voir, Ses odeurs, ses couleurs, sa façon de vivre, tout ce que l’on a pu oublier à force d’y être immergé. Et pour ceux qui ne peuvent malheureusement pas la connaître au quotidien, « La Nuit de l’Alcyon » vous plonge dans un immense dépaysement.
Mais ce n’est pas seulement une visite des Alpes Maritimes. « La Nuit de l’Alcyon » est avant tout un retour initiatique sur soi-même. Durant toute la lecture, nous allons vivre le retour vers l’enfance du héros. Victime de l’ivresse des profondeurs, ce plongeur va se retrouver aux prises avec des hallucinations. Des rencontres de son passé, des traumatismes qu’il avait tenté d’oublier, tout un pan de sa vie qu’il avait cherché à enfouir mais qui ressurgit. Conséquences de son accident ? Sûrement. Par contre comment se débarrasser de ces visions qui l’assaillent à présent. Consulter un psy ? Ecrire ? L’Alcyon est là pour le guider. Il devra interpréter les messages à travers les différentes formes de l’animal légendaire.

Malgré des maladresses dans la forme et inhérentes à un premier roman, « La Nuit de l’Alcyon » est un petit bijou de poésie. En quelques phrases très courtes, l’auteur arrive à nous embarquer pour ce voyage, offre avec aisance deux point de vues différents, jonglant entre la première et la troisième personne sans nous déstabiliser, et nous fait partager, en quelques lignes, les sensations ressenties par un plongeur lorsqu’il se retrouve au fond de l’eau, retournant pour quelques instants à son monde d’origine.
Professeur d’éducation physique, passionné de plongée et amoureux de montagne. Pierre Brocchi met une grande part de lui-même dans cet ouvrage, rendant cette histoire touchante, émouvante.
J’ai pris un réel plaisir à lire ce livre et je vous invite à découvrir cet ouvrage magnifique. Lorsque la dernière page est achevée, nous en ressortons changés, plus sensibles peut être, quelque part apaisés.
Une très belle histoire."

Emmanuelle, 9 mai 2008