Les bouches d'acier

les bouches d'acier

Vision fermée sur le plat de la main
Quasi-inorganique
Cybernétisez-moi
Je fais mes courses en aveugle
Et personne ne me voit
Je suis un véhicule de transport de fonds
Un distributeur
Qui vomit avec peine dans la paume ouverte
De l'androïde plus vrai que nature
Qui dit, de son langage binaire
(Sourit/sourit pas) :
"23€75 s'il vous plaît"
Alors que s'affichent les chiffres
Sur l'écran vert et ventriloque...
Utilité de l'interface homme-homme ?

J'accuse la pensée géométrique affamée de surfaces
Les âmes désossées enroulées sur leur estomac
J'abhorre
Ce commerce de promiscuité
J'adhère
A la proximité de l'humanité,
Aux esprits qui se touchent...
Et ces yeux crevés qui vous regardent sans vous voir
Orbites mortes sur les visages
Crispés comme s'ils savaient...
Comme s'ils n'y pouvaient rien...
Ou peut-être est-ce moi qui me fait des idées
Comme d'habitude
-commence le chant des bouches d'acier du supermarché

Suivi d'une pub pour des machins mous qui se mâchent
Garantis 100% plastique alimentaire
Pour les produits soit-disant premiers prix
Dépêchez-vous il n'y en aura pas pour tout le monde
Et puis les soldes
Périmées demain, ou augmentées hier
Voir les deux
Et moi je me balade entre les rayons
Supra-luminiques aux néons qui vous agressent la rétine
Vous mangent le cerveau
Et scandent leur slogan sanctifié par les sultans du pétrole :
"Achète-moiiiiii..."

Ça va mieux depuis qu'on sait ce qu'on mange
(Mais certains résistent encore et toujours aux investigations)
Traçabilité
Quel beau nom pour un système inutile
Sauf pour envoyer les fruits de la tradition
Aux cryptes des nostalgies et regrets
A côté des mistrals gagnants, hommes politiques mais corrects, épiceries au coin de chaque rue, affiches de pub des années 50 qu'on ne voit plus que chez les collectionneurs (ou copistes), ciel étoilé sans les traces des brouillards marrons de la ville ou des lampadaires oranges.
A côté de bouts d'espoirs...
Ces "au-revoirs" qui glacent quand ils deviennent des "adieux"
On avance, ne se retourne pas ;
Avancer, suivre la loi
Du progrès tristement, gagner la course
Et puis, et puis,
Et puis quoi ?
Quelles modalités ?
Y aurait-il une médaille à la clé ?
Pour couronner le tout, le rien du tout :
Notre tête invisible
Celui ou ceux qui chapeauteront
-Rouge-
Le plus de projets inédits et débilissimes
Débilisants
Désensibilisants
Déstabilisants

Et après on s'étonne de chiffres,
On s'endort de statistiques
J'en connais qui se retournent dans leur tombe
Et d'autres qui creusent la leur...

Et d'autres qui creusent la nôtre.